Dans un rapport passant au crible les perspectives d’emploi en Méditerranée, le délégué général du Femise insiste sur le rôle clef de l’immigration dans la réussite du partenariat euroméditerranéen.
Les emplois au nord, la main d’œuvre au sud ? Le cliché a la vie dure. Il est en toile de fond d’une étude en cours intitulée « Perspectives d’emploi en Méditerranée » réalisée par le Femise. Son auteur, Frédéric Blanc, délégué général de l’organisme, fournit une lecture très fine de la situation de l’emploi sur les deux rives de la grande bleue.
Un état des lieux qui confirme la fracture entre le nord et le sud : moins d’un méditerranéen sur deux en âge de travailler a un emploi. Mais dans les pays de la rive sud*, ce ratio est d’un actif pour trois habitants. Un déséquilibre inquiétant. D’autant que ces pays concentrent 49,8% des moins de 15 ans de la zone Euromed-Balkans. Le contraste avec le nord qui propose 7 emplois sur 10 est saisissant.
Il l’est encore plus si l’on s’en tient aux projections à l’horizon 2030. En vingt ans, la population en âge de travailler va augmenter dans l’ensemble de la zone « de plus de 100 millions de personnes. Mais 84% de ces travailleurs potentiels supplémentaires seront sur les rives sud », indique Frédéric Blanc.
La retraite à 80 ans?
Pour compenser l’érosion de leur population active sous l’effet du vieillissement démographique (moins 20 millions de personnes en âge de travailler – de 15 à 65 ans – en 2030), les pays du nord n’auraient pas d’autre choix que de prolonger la période d’activité potentielle jusqu’à… 80 ans ! A moins qu’ils n’acceptent d’ouvrir leurs frontières à la main d’œuvre des pays de la rive sud. Cette solution permettrait en outre à ces derniers de répondre au défi de l’explosion démographique. Au rythme actuel de création de 1,5 million d’emplois par an, déjà largement insuffisant pour couvrir leurs besoins, ces pays risquent en effet de voir leur nombre d’inactifs grimper en flèche, passant la barre des 150 millions de personnes en 2030.
Question encore taboue, l’immigration représente donc un enjeu stratégique de tout le partenariat euroméditerranéen avec trois scénarios possibles.
Le scénario du pire verrait la coopération entre les deux rives stagner et les déséquilibres économiques et démographiques se creuser. Le scénario médian verrait le processus Euromed et l’Union pour la Méditerranée (UPM) progresser sur certains dossiers sensibles : « les services et l’agriculture, mais également dans une certaine mesure sur le plan humain avec des conditions de mobilité allégées ».
Intégration euroméditerranéenne?
De quoi booster les taux d’activités dans les pays du sud, « ramenant le chômage à des niveaux proches de la rive nord aujourd’hui ». Et en Europe, « la migration circulaire et temporaire avec les pays du sud permettrait de combler partiellement les déficits démographiques ».
Enfin, le scénario vertueux verrait l’Union européenne élargir aux pays du sud les 4 libertés mises en place en son sein. Selon Frédéric Blanc, une telle (r)évolution permettrait de mettre fin aux déséquilibres : les pays du sud auraient des taux d’activités et de chômage proches de ceux de nombreux pays européens. Et l’immigration profiterait également à ces derniers : le plein-emploi induit doperait la consommation interne « et les cotisations payées par les actifs immigrés permettraient de réduire le recul des âges de retraites ».
* Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine, Syrie, Tunisie et Turquie.
Article de William Allaire, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2010, qui alimenteront également la rubrique « Réflexion Méditerranéenne » du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante : www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par : http://www.econostrum.info/subscription/