Repenser le nexus eau-énergie-alimentation en Méditerranée

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Penser, repenser et optimiser les rapports entre la production et le stockage d’énergie, la gestion de l’eau et l’alimentation devient un défi au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Une région du monde où le changement climatique impactera de plus en plus la ressource en eau et où les températures seront incompatibles avec l’agriculture. Afin d’assurer la sécurité alimentaire des populations, ne faudrait-il pas stimuler l’innovation et la coopération afin de généraliser les bonnes pratiques en Méditerranée?

Au moment où le seuil des 8 milliards d’habitants vient d’être franchi, se pose la question de la sécurité alimentaire des populations, en particulier dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord marqués par des épisodes de sécheresse intenses.

Cette région concentre 6,3% de la population mondiale avec seulement 2% d’eau potable, 80% de l’eau douce consommée étant importée. Le stress hydrique s’aggrave au fur et à mesure du réchauffement climatique posant la question du bon usage de l’eau.Les pertes économiques liées au manque d’eau représenteront entre 6 et 14% du PIB en 2050 [1].

L’agriculture dans ces pays consomme entre 65 et 86% d’eau contre seulement 59% en Europe[2]. Si l’eau est une ressource clé pour la production d’énergie (barrages hydroélectriques), un quart de l’énergie sert à produire de la nourriture.

L’approche intégrée eau-énergie-alimentation (EEA) présente de nombreux bénéfices en terme d’émergence d’une politique agricole résiliente. Elle permettra égalementde stimuler l’innovation, la coopération et le transfert technologique dans la région.

Afin de soutenir cette stratégie, le projet WEF-CAP (Technology Transfer and Capitalization of Water Energy Food Nexus) [3], dans lequel Femise est partenaire, préconise la création d’un méta cluster régional afin de bâtir une stratégie autour d’une vision commune. En ce sens, le projet WEF-CAP soutient, une approche intégrée des problématiques d’eau, de nourriture et d’énergie et vise notamment à identifier et à dupliquer des bonnes pratiques à travers une approche territoriale (internationale, régionale, transfrontalière et nationale), en analysant le niveau de maturité technologique et l’impact de la communauté scientifique sur la diffusion des informations.

L’adaptation sociétale au changement climatique

Selon le Femise[4], les enjeux sociétaux et économiques pourraient bénéficier d’une coopération régionale efficace:«La coopération régionale devient une nécessité notamment entre la recherche et les ONG. Il faut aider les entrepreneurs de la région à développer des idées et améliorer le cadre légal relatif aux usages des ressources naturelles tout en renforçant la collaboration entre les ministères et agences nationales». Chaque pays doit trouver des solutions adaptées au context.

Paradoxe, certains États, à l’image de l’Algérie, se caractérisan par des ressources abondantes en gaz et électricité, sont contraints d’importer des biens agroalimentaires et d’importantes quantités de céréales.

Certes quelques rares initiatives voient le jour, certaines portent sur l’utilisation d’eau usée, recyclée destinée à améliorer les rendements. Une goutte d’eau dans un océan. sachant que 82% des eaux usées ne sont pas recyclées dans la région.

L’approche intégrée d’un usage efficace de l’eau et de la ressource énergétique contribuera à la sécurité alimentaire grâce au développement d’une agriculture intelligente et l’apport defournisseurs de solutions.

À l’échelle gouvernementale, une évolution du cadre légal pour optimiser la gestion dans un contexte de raréfaction des ressources est préconisée au même titre que l’amélioration de la collaboration et la communication entre les ministères. Avec la hausse désormais inéluctable des températures, il faudra faire preuve d’inventivité et de résiliencepour bâtir un écosystème avec les pays voisins. L’adaptation sociétale au changement climatique dans l’Union Européenne et dans les pays partenaires méditerranéens devenant une impérieuse nécessité.

Acknowledgment:                        

 

[1] La Banque mondiale. 2017, Beyond Scarcity: Water Security in the Middle East and NorthAfrica MENA Development Report. Le Groupe de la Banque mondiale. Washington, DC.

[2]Ganoulis, Jacques. 2021, FEMISE MED BRIEF no. 31: “Resilient Mediterranean Agriculturein the context of Water Scarcity under Climate Change”. pp. 1-10

[3]Transfert de technologie et capitalisation du Nexus eau-énergie-alimentation

[4] Louis, Maryse and Dahdouh, Sophie. 2022. WATER-ENERGY-FOOD NEXUS:The Way Forward for the Mediterranean Region in the Face of Insecurities. WEF-CAP PolicyBrief N°1, Novembre 2022.