Professeur au Centre de Recherche des Pays Méditerranéens de l’Université d’Akdeniz, à Antalaya, en Turquie, Selim Çağatay est coordonnateur de l’équipe qui travaille sur le nouveau rapport Femise FEM34-30. Il a accepté de donner les principaux résultats du rapport, intitulé «Analyse de l’immigration – Changements induits de la diversité des produits et des modèles d’échanges commerciaux : cas de la zone Euro Méditerranée/Europe de l’Est ».
La migration stimule-t-elle les échanges entre le pays d’accueil et le pays d’origine ?
« La corrélation entre immigrants et échanges commerciaux s’établit au travers de deux grandes voies. En premier lieu, les migrants sont censés stimuler le commerce en diminuant les coûts de transaction. Ceci s’explique par leur meilleure connaissance des marchés, de la langue, des pratiques commerciales, de la législation et d’autres thématiques commerciales existants dans leur pays d’origine.
Cette voie est désignée sous le terme « hypothèse du pont informationnel » (information bridge hypothesis). Les immigrants arrivent vraisemblablement avec les réseaux professionnels qu’ils ont déjà constitués avec le pays d’origine. Ensuite, nous pouvons également supposer que certains biens qu’ils ont l’habitude de consommer dans leur pays d’origine ne soient pas disponibles dans le pays d’accueil, ce qui pousse les immigrants à importer de tels produits.
Ces comportements préférentiels sont désignés sous le terme anglais «transplanted home bias».
Les immigrants peuvent aussi créer une demande importante pour de tels biens. Ce qui nous amène finalement à constater des changements dans les schémas de consommation et de production, provoqués par l’immigration, notamment dans les pays qui accueillent un grand nombre de personnes nées à l’étranger. »
Normes migratoires européennes, bases d’une politique commune ?
Y-a-t-il une augmentation des produits exportés et si c’est le cas, pour quels produits ? Quels sont les secteurs principaux ?
« La migration totale vers l’UE a un impact positif sur les exportations de boissons, d’animaux vivants et destinés à l’alimentation, de machines et d’équipements de transport ; nous avons constaté que les pays de l’Europe de l’Est ne stimulent que les exportations de matières brutes et de produits manufacturés classifiés. »
Quelles modifications recommandez-vous en matière de politique migratoire européenne ?
« En ce qui concerne l’émergence d’une politique migratoire européenne commune, l’une des conclusions principales de l’étude indique que l’application par les États-membres de normes migratoires peut constituer la base d’une future politique commune en la matière. Certaines démarches récemment prises en ce sens confirment cette tendance tout en renforçant l’emphase sur le contrôle aux dépens des politiques d’intégration.
Les mesures de contrôle et de rapatriement pourraient servir de catalyseur à la construction d’une politique migratoire européenne commune, mais qu’une telle sécurisation n’est pas en accord avec les tendances sociodémographiques. »
Quel est l’impact de l’arrivée des migrants issus d’Europe de l’Est sur les économies occidentales ?
« Nous avons observé que les immigrants originaires des pays d’Europe de l’Est stimulent uniquement les exportations de matières brutes et des articles manufacturés classés par matière première. Ces exportations ont des effets positifs sur l’importation de boissons, de machines, des engins de transport et des industries manufacturières.
L’augmentation de l’importation des animaux vivants et destinés à l’alimentation pourrait être due en particulier à l’augmentation de la demande des immigrants à partir de leurs pays d’origine.
La hausse des importations de machines et engins de transport pourrait s’expliquer par la main d’œuvre immigrante non qualifiée dans l’incapacité de trouver des opportunités d’emploi dans ces industries au sein de l’UE. »
Photo : D.R., Econostrum
Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. www.econostrum.info. Newsletter d’econostrum : http://www.econostrum.info/subscription/