Résumé :
La migration est devenue une priorité pour les politiciens européens. C’est aussi un élément crucial du Partenariat entre les PTM et l’UE. Cependant, le manque d’une Politique Migratrice européenne cohérente rend difficile le développement d’une politique migratrice efficace envers les PTM. Les politiciens européens centrent leur intérêt sur le contrôle et les mesures de retour, plutôt que sur des politiques actives d’intégration. L’objet de cette étude est d’analyser cette dynamique socio-démographique dans la région euro-méditerranéenne. Cette dynamique est si forte qu’elle génère une ‘pression migratrice’ considérable, définie par l’étude comme le résultat des conditions démographiques et socio-économiques.
Dans ce contexte, se concentrer exclusivement sur le contrôle des frontières et les mesures de retour est une stratégie clairement sous-optimale. Avec des scénarios différents, cette étude conclut que ces courants d’immigration en provenance des PTM (principalement le Maroc et la Turquie) resteront élevés à long terme. Cependant, il existe des différences importantes parmi les scénarios, et les simulations montrent que l’UE pourrait appliquer des politiques pour diminuer l’intensité des effets d’expulsion dans les PTM.
Les objectifs de cette étude peuvent être résumés comme suit:
· Fournir une mesure quantitative de la migration potentielle entre les PTM (émetteurs) et l’UE (récepteurs), si l’on tient compte de leurs tendances démographiques actuelles.
· Anticiper le futur démographique le plus fiable – scénarios migratoires qui surviendront à long terme
· Présenter un panorama quantitatif riche de la migration entre l’UE et les PTM sélectionnés, en identifiant leur passé, présent et les tendances futures.
· Mesurer le poids des principales variables macro -économiques et sociales- dans l’évolution courante des courants migratoires UE-PTM
Le but est d’apporter une base analytique:
· Pour la compréhension des mouvements migratoires réels et potentiels en provenance des PTM vers l’UE.
· Pour la formulation de politiques économiques et sociales qui directement ou indirectement affectent le phénomène migratoire.
· Pour la formulation de politiques de coopération et de programmes internationaux avec de vastes fondements socio-économiques.
L’hypothèse empirique est que dans les pays du nord de l’Afrique et la Turquie, les tendances démographiques et les changements dans les taux d’activité conduiront à une augmentation rapide de la population active qui, ajoutée à une création insuffisante de postes de travail, augmentera le déséquilibre structurel du marché du travail. Pendant ce temps, le contraire se produira dans les pays européens. Ces tendances opposées pourraient être suffisamment complémentaires en fonction des différents scénarios démographiques, du marché du travail, du progrès socio-économique et des barrières migratoires. Dans cette structure conceptuelle, ce projet de recherche essaie de mesurer cet équilibre dans un scénario démographique et socio-économique de base, et d’identifier les variables clés qui pourraient être critiques pour changer cette tendance de base.
L’étude est organisée comme suit. Un premier chapitre est consacré aux politiques migratoires de l’UE, pour prévoir si une Politique Migratoire Commune pourrait émerger, et quelle pourrait être sa nature. Le deuxième chapitre porte sur les tendances démographiques, comme réalité qu’une telle politique devrait faire face. Le troisième chapitre développe un modèle pour identifier les causes principales qui expliquent les migrations Euro-méditerranéennes, et proposer alors des futurs différents d’après des scénarios alternatifs. L’objectif est de permettre aux responsables politiques de traduire dans des futurs différents, l’impact de stratégies alternatives. Etant donné que c’est un exercice à long terme, les scénarios alternatifs ne représentent pas de politiques à court terme, mais des stratégies plutôt générales qui devraient être idéalement implémentées par des politiques consistantes.
Les résultats de simulation des différents scénarios pour estimer l’immigration font ressortir les points suivants:
– L’addition de la période totale serait d’approximativement 2,400,000 immigrés qui entreraient dans l’UE 15, pendant les 45 années projetées. Dans le scénario inférieur, ce chiffre descend à près de 1,500,000 immigrés.
– Pour tous les scénarios, comme on s’y attendait, le plus grand nombres d’immigrés viennent du Maroc et de la Turquie, pays possédant un plus grand surplus de travail dû à leur potentiel démographique.
– Le Maroc subira un courant d’émigration entre 1.422.000-906.342 personnes dans les scénarios les plus élevés et les plus inférieurs, respectivement.
– Mettant en relation ce chiffre avec la population potentiellement émigrante estimée précédemment (3,8 millions de personnes pour la période 2005-2050), la migration en provenance du Maroc pourrait osciller entre 23% et 37% de ce segment de la population.
– Pour la Turquie, l’intervalle oscillerait entre les chiffres inférieurs de 481.000-318.000 migrants.
– Pour la Tunisie, les scénarios considérés projettent des chiffres plus modestes entre 52.000-37.000 migrants.
– Pour l’Egypte, les courants migratoires projetés vers l’UE 15 ne sont pas significatifs.
– Pour l’Algérie, les scénarios pointent vers une bande migratoire entre 432.000-290.000 personnes.
En ce qui concerne les scénarios:
1. le scénario ‘business as usual’ est celui qui a tendance à montrer un nombre plus élevé d’immigrés sur la longue durée.
2. le scénario de ‘convergence lente’ réduit légèrement le nombre d’immigrés, en reflétant qu’un modèle de convergence modéré des économies des PTM n’implique pas une réduction considérable de l’immigration.
3. le scénario de ‘convergence rapide’ est celui qui projette les chiffres inférieurs d’immigration en provenance des PTM, mais même dans ce cas le nombre d’immigrants reste encore très considérable.
4. le scénario ‘politiques sociales’, entraînant une réduction de l’inégalité du revenu, projette aussi des chiffres d’immigration inférieures, mais ne change pas la tendance migratoire vers l’UE.
5. le scénario de ‘basse augmentation de l’emploi’ montre des chiffres d’immigration inférieurs que le « business as usual », mais les chiffres restent encore très élevés.
6. le scénario de ‘augmentation élevée de l’emploi’ projette une réduction supplémentaire des migrations des PTM vers l’UE, mais elle est moindre que dans les scénarios de convergence rapide ou de politiques sociales.
Donc, pour tous les scénarios, les courants d’immigration restent considérables et il est évident que la pression migratoire ne sera pas correctement affrontée, seulement par l’européanisation des politiques de contrôle et de retour. En bref, l’européanisation des politiques d’intégration est clairement exigée. Deuxièmement, les différences entre scénarios sont considérables dans les chiffres, même si elles ne le sont pas tellement dans les tendances. Les scénarios avec des chiffres d’immigration inférieurs sont ceux de la convergence rapide et des politiques sociales. Ceci suggère que l’UE doit rendre prioritaire l’accélération de la convergence rapide et la mise en oeuvre de politiques sociales re-distributives dans les PTM, pour ainsi soulager la pression migratoire qui implique leur dynamique démographique et socio-économique.
Cependant, ces mesures peuvent au mieux, réduire modérément le nombre d’immigrés. La logique socio-économique-démographique permet des futurs différents, mais dans tous les scénarios, l’immigration sera un vecteur clé des relations Euro-méditerranéennes, ainsi que des dynamiques démographiques européennes.