L’objectif global de ce projet de recherche est de se focaliser sur l’importance des règles d’origine (ROOs) pour expliquer les flux commerciaux en utilisant deux approches. La première est économétrique et évalue l’impact de l’introduction du cumul diagonal Pan-européen en 1997 sur les échanges entre les pays qui ne bénéficiaient pas, avant cette date, du cumul diagonal. La seconde approche est une analyse descriptive réalisée à partir de données sur les structures d’échanges et de production et d’études de terrain pour rendre compte de l’importance des règles d’origine dans le cas de l’Egypte.
Pour la première partie du rapport, nous considérons l’impact du cumul diagonal au niveau sectoriel, en nous appuyant sur des travaux effectués antérieurement par Augier, Gasiorek et Lai-Tong (2005). Nous considérons 27 secteurs et montrons ici clairement que le cumul a un impact positif sur les échanges entre pays “spoke” (c’est-à-dire sur les échanges entre les pays partenaires de l’UE). L’impact sur les échanges varie de 14% à 150% selon le secteur considéré et selon la spécification économétrique. Nous prenons ces résultats comme une indication, (i) du niveau de restriction sous-jacente que font peser les règles d’origine de l’UE et, (ii) de l’impact potentiel sur les échanges suite à leur assouplissement. Il convient de noter que ces résultats ne sont pas directement les estimations entre les pays partenaires méditerranéens de l’UE. Dans la mesure où ces pays n’entrent pas en 97 dans le système Pan-européen, il est impossible d’en évaluer l’impact sur leurs échanges. Toutefois, les estimations que nous avons obtenues mettent en évidence l’ampleur potentielle de l’impact sur les échanges entre les pays partenaires méditerranéens s’ils intégraient le système Pan-Européen, alors même que cette intégration a été rendue possible depuis la Déclaration de Palerme en 2003. Dans ce contexte, il est particulièrement intéressant de noter que les plus forts impacts consécutifs à l’obtention du cumul ont été obtenus dans les secteurs de l’habillement, du cuir, des machines électriques et du matériel de transport. Enfin, dans cette partie du rapport, nous présentons également des résultats qui suggèrent que se produit peu de “trade diversion” (détournement des échanges) à la suite de l’introduction du cumul.
Nous avons ensuite examiné quelles pourraient être les principales variables explicatives du degré de restriction des règles d’origine. Nous montrons, premièrement, que les droits de douane appliqués par l’UE jouent peu dans la détermination du caractère restrictif des règles d’origine. Ceci est assez étonnant puisque que le tarif correspond à la pénalité appliquée lorsque les règles d’origine n’ont pas été satisfaites. Deuxièmement, l’analyse indique que les règles d’origine ont tendance à être plus restrictives lorsque la part des exportations vers l’UE dans ce secteur est importante. Ce résultat pourrait conforter l’idée que la définition des règles d’origine est fortement déterminée par des considérations politiques, puisque les ROOs sont plus restrictives dans les domaines où les pays partenaires sont probablement les plus compétitifs. Cette idée semble également confirmée par les résultats obtenus lorsque l’on considère le rôle joué par la part des importations intermédiaires de chaque secteur d’activité. Troisièmement, il semble qu’une plus grande utilisation du critère de la VA tend à être associée à des règles d’origine moins restrictives. Il s’agit d’un résultat intéressant qui appelle à de nouvelles recherches, dans la mesure où il peut avoir d’importantes implications politiques.
La deuxième partie de ce rapport, beaucoup plus directement axées sur le rôle des règles d’origine pour la région méditerranéenne, analyse l’importance des règles d’origine et du cumul pour le cas de l’Egypte. Ici, la méthodologie est basée sur l’exploitation des données disponibles sur la structure des échanges et de la production, ainsi que sur des interviews détaillées menées sur un large éventail d’entreprises et de représentants de l’industrie égyptienne. L’analyse de la structure de la production et des échanges indique qu’une part importante des exportations égyptiennes vers l’UE sont des produits pour lesquels l’obtention de l’origine est relativement simple. Cependant, les taux d’utilisation suggèrent qu’au niveau agrégé, 48% des exportations égyptiennes sont éligibles à un accès préférentiels au marché européen, alors que seulement un peu plus de 13% des ces exportations éligibles sont en fait soumis aux droits NPF. Au niveau sectoriel, on constate que les industries qui ont les taux d’utilisation des tarifs préférentiels les plus bas, sont celles où les parts d’inputs importés sont les plus élevées et où est appliqué le critère de la valeur ajoutée.
Les résultats de cette analyse sont extrêmement intéressantes, en ce sens que nous constatons en général que les règles d’origine actuellement appliquées par l’UE ne sont pas perçues comme un problème ou un obstacle majeur pour les exportateurs égyptiens, et que l’absence de cumul pan-européen ne semble pas, dans la plupart des cas, contraindre les entreprises dans “leur choix d’offre de biens intermédiaires”. Une exception à cela a été observée dans l’industrie textile, où il apparaît que les possibilités de cumul, en particulier avec la Turquie, pourraient avoir un impact sur le choix des fournisseurs des entreprises et améliorer ainsi leur capacité d’exportation vers l’UE. Deux principales raisons peuvent être avancées pour expliquer le fait que les règles d’origine ne semblent pas jouer un rôle très important en Égypte. Premièrement, les interviews réalisées suggèrent que l’obtention d’un certificat de preuve de l’origine auprès des autorités égyptiennes soit une formalité extrêmement simple avec peu ou pas de vérifications effectuées. Ensuite une grande partie des exportations de l’Egypte vers l’UE se font dans des secteurs où l’établissement de la preuve de l’origine est relativement simple, soit parce que les marchandises doivent être entièrement obtenues, soit en raison de la forte utilisation d’intrants intermédiaires domestiques (par exemple le coton égyptien). Ce constat reflète également la forte concentration des exportations égyptiennes en produits primaires, et la faible intensité technologique des produits manufacturés. Cela suggère en conséquence que, même si actuellement les règles d’origine peuvent ne pas être contraignantes, elles joueront probablement un rôle plus importants à terme avec la diversification des exportations égyptiennes, la montée en gamme dans la chaîne de valeur et l’intégration verticale de l’industrie dans le commerce international.