Résumé :
Dans la mesure où investir dans l’enfance constitue le point de départ naturel de tout investissement dans le développement humain, l’objectif de ce rapport est de proposer un outil permettant d’évaluer comment les différents pays méditerranéens évoluent en matière de promotion et d’assurance du bien-être des enfants. Son but est aussi d’identifier les variables sociales et économiques déterminant les problèmes rencontrés par les enfants des pays méditerranéens, en partant du principe que le bien-être de l’enfant est un concept pluridimensionnel qui peut être abordé à travers de nombreux domaines ou dimensions et en utilisant une combinaison d’indicateurs permettant de saisir chacune de ces dimensions.
Afin d’établir un indice plus lisible qui permette d’évaluer et de comprendre les différences de situation des enfants de la région méditerranée – le Med-CWI (Mediterranean Child Well-being Index – Indice méditerranéen de bien-être de l’enfant) –, nous avons examiné divers facteurs liés à la santé des enfants, à l’éducation et au bien-être économique ou collectif.
Plusieurs rapprochements entre deux variables, l’U5MR et les indicateurs retenus pour les pays appartenant à l’espace méditerranéen, avaient été envisagés. De fortes et significatives corrélations ont été constatées entre U5MR et IDH (r2=-0,836), RNB par habitant (r2=-0,768), dépenses publiques de santé (r2=-0,729), degré de fréquentation des écoles maternelles (r2=-0,510) et aussi densité du réseau téléphonique pour 100 habitants (r2=-0,677). Nos résultats indiquent par ailleurs une corrélation entre la mortalité infantile et le développement social beaucoup plus forte que pour le développement économique. Alors que les comparaisons entre indicateurs de mortalité infantile et de développement social sont absolument linéaires, le parallèle correspondant entre mortalité infantile et taux annuel moyen de croissance du PIB par habitant entre 1990 et 2005 est non linéaire et insignifiant. De plus, la comparaison du taux annuel moyen de diminution de l’U5MR avec le taux annuel moyen de croissance du PIB par habitant pour la période 1990-2005 est, elle aussi, insignifiante.
Étant donné la diversité dans les niveaux et les modèles d’indicateurs du bien-être de l’enfant pour les divers pays ou groupes de pays de la région méditerranéenne, une évaluation simple et sommaire du bien-être de l’enfant est souhaitable. Un examen de la littérature consacrée à la pauvreté et au bien-être des enfants fait par ailleurs état de précédentes tentatives visant à développer une évaluation du développement humain allant au-delà de la seule situation économique pour considérer tous les aspects du développement humain et, plus particulièrement, le bien-être de l’enfant.
Une étude empirique menée sur la base d’une analyse en composantes principales (Principal Components Analysis-PCA) a permis la vérification de certains aspects relatifs aux rapports confus existant entre bien-être de l’enfant et facteurs structurels, sociaux, économiques et politiques.
Le premier facteur qui se dégage (qui compte pour 54,6% de la variance d’origine) et qui présente les plus fortes corrélations avec les indicateurs déterminant d’une façon significative le degré de bien-être infantile atteint par un pays est l’IDH, c’est l’indicateur qui « pèse » le plus sur la partie positive de l’axe: il synthétise les trois dimensions du développement humain (vivre longtemps en bonne santé – mesurée à travers l’espérance de vie –, recevoir une bonne éducation – mesurée par le degré d’alphabétisation des adultes et de fréquentation des écoles primaires, secondaires ou supérieures –, et avoir un niveau de vie décent – mesurée par le revenu à parité de pouvoir d’achat ou PPP). Viennent ensuite l’espérance de vie à la naissance, dans la mesure où une meilleure espérance de vie est positivement liée au bien-être de l’enfant, et le nombre de médecins disponibles par habitant. Rien d’étonnant à ce que le degré de diffusion de l’information et des technologies de la communication figure aussi parmi les premières variables: c’est l’un des signes de hausse du seuil de prospérité et pas seulement d’un point de vue matériel, puisque les TIC fournissent un meilleur accès à l’information et sont déterminantes dans l’augmentation du niveau de culture générale.
L’analyse confirme par ailleurs l’existence d’une relation positive entre bien-être des enfants et dépenses publiques de santé par habitant, bien-être des enfants et nombre d’indicateurs concernant la scolarisation et le taux d’alphabétisation des jeunes ainsi que bien-être des enfants et disponibilité de lits d’hôpitaux. Il convient de souligner que le phénomène se caractérise (quoique de moins en moins) par l’accès à de meilleures sources d’eau potable, par la possibilité de bénéficier d’une assistance qualifiée lors de l’accouchement et par un indicateur de développement social tel que l’accès à l’Internet.
À l’inverse, un ensemble d’autres variables semblent correspondre de façon négative au bien-être des enfants. On retrouvera bien sûr ici certains aspects démographiques fondamentaux. Un faible U5MR, un faible taux de mortalité maternelle et quelques rares décès d’enfants de moins de cinq ans du fait de pneumonies sont tous des indicateurs du bien-être des enfants. De même, un faible taux d’élèves/enseignant dans les écoles primaires correspond de façon positive au bien-être de l’enfant. Par ordre d’importance décroissante, nous avons deux indicateurs purement démographiques : le taux de fécondité des adolescents et le taux brut de natalité. En ce qui concerne les indicateurs relatifs à l’éducation, nous avons noté que le nombre d’enfants n’ayant pas accès à l’école primaire est en corrélation négative avec le bien-être de l’enfant. La même chose vaut pour le pourcentage de nouveaux-nés présentant une insuffisance pondérale.
Nous pouvons constater non seulement la forte corrélation entre Med-CWI et IDH (r2=0.925), mais également la relation inverse et très significative avec l’U5MR (r2=-0.831). De plus, l’illustration montre la relation existant entre indice de bien-être de l’enfant et montant total des dépenses publiques de santé par habitant (r2=0.792). Il y a corrélation linéaire positive entre le Med-CWI et le RNB par habitant, mais elle est plus faible (r2=0.729).
Les exemples de réussite dans la recherche du bien-être des enfants au sein de la région méditerranéenne sont la France et l’Italie, respectivement à la première et à la seconde place. Viennent ensuite l’Espagne, Israël et le Portugal. Au centre du classement, nous avons le Liban, la Libye, la Jordanie et la Tunisie. Tandis que les dernières places sont occupées par le Maroc, l’égypte et l’Algérie.
Le fait que certains pays obtiennent un meilleur score en matière de bien-être de l’enfant comparativement à l’ensemble de la région est confirmé par le rapprochement entre revenu moyen de la population et niveau du Med-CWI atteint (différence de RNB par habitant moins différence du Med-CWI). Lorsque la position d’un pays en fonction du Med-CWI est meilleure que son classement selon le RNB par habitant, cela signifie qu’il a réalisé de gros progrès en consacrant les fruits de sa croissance économique à l’amélioration de la condition de l’ensemble de ses enfants. Il l’a réalisé en consacrant ses investissements à la réduction de la pauvreté des enfants, en améliorant leur accès aux services de protection sociale et aux outils permettant un renforcement des ressources humaines, améliorant par conséquent les perspectives d’avenir de chacun. C’est le cas, notamment, des Territoires Palestiniens Occupés (+5), de la Jordanie (+3) et de la Syrie (+2), du Portugal et de Malte en Europe qui obtiennent un coefficient positif comparés, par exemple, à la Turquie (-4), à l’Algérie, au Maroc ou à la Grèce (-3).
Dans de nombreux pays, le revenu apparaît comme un déterminant important de la survie et du bien-être de l’enfant. C’est assurément le cas dans les pays de la région méditerranéenne, ainsi que le montrent les comparaisons significatives entre revenu et santé ou bien-être de l’enfant sur la côte nord du bassin. Toutefois, une lecture plus attentive des données révèle qu’un accroissement de la richesse nationale ne conduit pas nécessairement à une meilleure santé ou à un meilleur bien-être de l’enfance.
Bien que l’accroissement du revenu et l’amélioration du degré de scolarisation ainsi que les importantes améliorations des rations alimentaires et de l’hygiène expliquent en partie le spectaculaire déclin de la mortalité infantile dans les pays arabes de la région méditerranéenne, il faudrait apparemment que l’accès aux nouveaux savoirs, aux médicaments et aux vaccins soit beaucoup plus important.