Vue d’ensemble
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la migration provenant du Moyen Orient et d’Afrique du Nord (MENA) a déjà été un thème largement débatu. Tout d’abord, la migration vers l’Europe, stimulée par l’espoir d’échapper à la pauvreté ou au chômage, n’a cessé de croître. Un retour sur les données de 2008 montre qu’il y a une tendance grandissante de la migration de la jeunesse dans plusieurs pays MENA. Depuis 2008, près de 8,2 millions de personnes se sont dirigées vers l’Union Européenne, certaines ont cependant choisi d’autres pays arabes pour trouver du travail (2.7 millions) ou d’autres destinations à l’étranger (1,7 millions). Particulièrement dans les pays MENA, où les taux de chômage ont augmenté jusqu’à 28% ces dernières années (Nassar 2005), les migrants sont essentiellement des jeunes, mais également un nombre croissant de personnes qualifiées du marché du travail qui ne trouvent pas d’emploi dans leur pays natal, augmentant ainsi le besoin de chercher un travail à l’étranger.D’autre part en Europe, on trouve la tendance inverse : la population vieillit et le taux de dépendance augmente continuellement. Ainsi il semble raisonnable que les deux régions, l’UE en tant que région importatrice et MENA comme région exportatrice d’emploi, puissent bénéfier d’un allégement des restrictions sur la migration (Haas 2010). C’est dans ce cadre que ce papier étudie si ces avantages existent et comment ils peuvent être quantifiés.
Revue de littérature
Nombre d’études mettent en évidence l’impact quantitatif et qualitatif des immigrés dans leur pays d’accueil ainsi que dans leur pays d’origine. La plupart des économistes s’accordent sur le fait que la migration présente en général des effets favorables sur les pays importateurs de travail, mais le bilan pour les pays exportateurs est plutôt équivoque. En général, la migration est censée stimuler la croissance en raison des effets sur la production dans le pays d’accueil. Toutefois selon certains auteurs, l’allégement des restrictions pour les ouvriers non-qualifiés dans les pays développés peut créer des effets positifs très importants sur la production et par conséquent sur le PIB réel, tandis que les bénéfices des déplacements de la main-d’oeuvre qualifiée se sont surtout fait sentir dans les secteurs de services spécifiques (Coppel et al. 2001; Boeri et al. 2005).Alors que les études les plus récentes se sont concentrées sur l’allégement des barrières du commerce international, les gains nets résultants de l’élimination des barrières commerciales ne sont pas très significatifs au regard des effets venant de l’élimination des restrictions sur la mobilité du travail. Plusieurs études ont montré (Clemens 2011) l’efficacité des gains de PIB venant de l’élimination de certaines barrières qui peuvent atteindre plus de 140% avec la libéralisation du travail, contre seulement 4,1% avec la libéralisation du commerce. Concernant l’amplitude de la migration, en prennant en considération des études avec des hypothèses plus réalistes, Clemens (2011) passe en revue les gains d’efficience en terme de PIB avec des taux d’émigration plus bas par rapport à la population d’origine (« taux d’émigration nette de la population d’origine »). Ces gains vont de 50% à environ 1% selon les différents taux de migration (correlation positive). Afin d’étudier les effets, plusieurs approches ont été utilisées par les chercheurs et peuvent êtres regroupées en deux catégories : l’approche basée sur des simulations et l’approche économétrique. Le premier groupe comprend des modèles de proportions des facteurs (d’équilibre partiel) et des modèles d’équilibre général calculable (EGC). Le deuxième groupe comprend une analyse par zone, la théorie de la production et une approche basée sur des séries temporelles.Différents modèles envisagent d’étudier les effets de la migration du travail sur l’ensemble de l’économie. Un modèle complexe du type « économie ouverte » dans le cadre EGC, est utilisé par Keuschnigg et Kohler (1999) pour estimer les effets de l’élargissement de l’UE sur l’économie autrichienne. Les auteurs ont basé leur étude sur l’hypothèse selon laquelle le nombre des ouvriers non-qualifiés et qualifiés va augmenter respectivement de 10,5% et de 2,1%. Sur la même période on attend une baisse des salaires des ouvriers non-qualifiés de 5% et une augmentation des salaires des ouvriers qualifiés de 2,7%. Une autre étude, Muller (1997) décrit les effets de la migration en Suisse, et suggère des résultats relativement positifs mais peu significatifs à l’égard de la segmentation du marché de travail, à la mobilité du capital et aux termes de l’échange dans le pays d’origine. Dans l’étude de Walmsley et Winters (2005) on peut trouver en conclusion qu’une augmentation de seulement 3% du taux temporaire du mouvement de la main-d’oeuvre qualifiée et non-qualifiée a permis d’augmenter la richesse publique de 156 billions d’US$ (aux prix constants de 1997). Ce résultat confirme que les restrictions sur les mouvements de la force de travail dans les pays en voie de développement sont coûteuses pour tous les pays concernés, surtout s’il y a une baisse antérieure des coûts de la main-d’oeuvre domestique non-qualifiée dans le pays d’acceuil. De même, un modèle dynamique du type EGC, utilisé dans une étude de la Banque Mondiale (2006), arrive à la conclusion que le bien-être global s’accroîtra même de 674 billion d’US$ (prix de 2001). Les résultats suggèrent que la libéralisation dans la migration du travail profitera aux économies developpées au travers de changement sur le bien-être, mais conduit aussi à une baisse des salaires.Le modèle de Boeri et Brucker (2005) montre que des gains positifs d’une migration du travail sont possibles si deux économies ouvrent leurs frontières. Dans le scenario de référence, une augmentation de 1% de la part des immigrants par rapport à population locale conduit à une augmentation de 0,3% du PIB pour les Etats membres de l’UE tandis que les gains/pertes s’elèvent à presque 0,7% dans le pays d’accueil et -0,7% dans le pays d’origine. Toutefois, ces gains se font au détriment des travailleurs peu qualifiés locaux du pays d’accueil, qui sont les plus touchés par les travailleurs étrangers ayant des compétences similaires. De plus, du point de vue de Weizsäcker (2006), la migration des travailleurs peu-qualifiée contribue à l’inégalité des revenus parmi les locaux et augmente les perspectives de salaire dans le pays d’envoi. Pour les travailleurs hautement qualifiés, c’est le contraire. Un autre modèle multirégional CGE de Iregui (2003) avec des arguments comparables a évalué les gains d’une élimination des restrictions concernant les mouvements des travailleurs. Dans la spécification de ce modèle avec des données de 1990, les salaires moyens augmentent dans les pays d’origine avec l’abandon des restrictions pour les ouvriers qualifiés et non-qualifiés. Cela se justifie par la rareté relative du travail par rapport au capital, qui diminue le rendement du capital. Les travailleurs qualifiés qui restent dans le pays d’origine reçoivent des augmentations de salaire en raison de l’augmentation de la demande. Dans le pays de destination, les salaires sont plus faibles pour les deux types de main-d’oeuvre et le rendement de capital augmente. Dans le cas concernant uniquement la migration de main-d’?uvre qualifiée, pour les travailleurs non qualifiés et les détenteurs de capitaux la situation est pire que dans le pays d’origine. Dans l’économie d’accueil, un plus grand nombre de travailleurs qualifiés reçoivent en moyenne des salaires inférieurs. Une extension importante du modèle se réfère à la mobilité des capitaux avec le mouvement de la main-d’?uvre qualifiée : les travailleurs se déplacent vers les pays et les secteurs ayant des salaires plus élevés et de plus forts rendements de capital, donc dans la région d’origine pour les travailleurs non qualifiés et les propriétaires de capitaux la situation est pire, alors que dans le pays d’accueil la tendance est inversée. En outre, les gains de bien-être sont sensiblement réduits lorsque les coûts de transaction sont introduits dans le modèle.L’effet des migrants sur les salaires est analysé plus en détail par Longhi et al. (2005a). Ils utilisent la méthodologie de la méta-analyse pour examiner 18 articles avec 348 estimations d’entrées d’immigrants sur les salaires des travailleurs dans le pays d’accueil. Leurs résultats suggèrent qu’une augmentation de la population immigrante de 1% induit une baisse des salaires de la population native de 0,1%. D’autres études (Altonji et Card (1987); Bean et al (1988); Borjas (1986), (1987); Grossman (1982); LaLonde et Topel (1987)) confirment que l’impact sur les gains des immigrants et les opportunités d’emploi pour les locaux à une très faible mesure, alors qu’ils ont un impact significatif sur leur propres salaires et celui des autres immigrants. Une augmentation de 10% du nombre d’immigrants conduit à une réduction des salaires des migrants de 2% à 3%.En résumé, les recherches montrent qu’il y a peu ou presque pas d’effets négatifs d’une migration à grande échelle sur les marchés du travail en ce qui concerne les salaires et les opportunités d’emploi. Cela peut s’expliquer par la compensation produite par l’augmentation de la production et de la productivité. Priore (1999) fait également valoir que cela est du au fait que les immigrants acceptent des emplois non populaires chez les locaux, sinon il note qu’il pourrait y avoir un déséquilibre général sur le marché du travail des locaux.En effet, comme clarifié par Poot et Cochrane (2005), il y a trois possibilités pour que la migration puisse contribuer à une meilleure croissance économique. Tout d’abord, l’immigration peut accelerer la convergence vers une croissance d’équilibre de long terme; d’autre part, l’immigration peut stimuler l’innovation et des changements dans la productivité globale des facteurs; en troisième lieu, elle peut déclencher des changements progressifs de l’efficacité ce qui accroit la productivité globale des facteurs sur le long terme.Le modèle standard d’économie ouverte décrit le mécanisme de convergence de l’état d’équilibre qui suppose une accélération avec une croissance de la population et l’obtention d’une croissance à l’etat d’equilibre (steady state growth rate). Un modèle simple (Kemnitz 2001) décrit l’importance de l’interaction entre immigration et croissance du capital, qui suggère que l’immigration favorisera un travailleur indigène si et seulement si, l’immigrant moyen arrive équipé d’un capital plus élevé qu’un indigène moyen.Dans le même cadre d’un modèle CGE, une étude de Walmsley et Winters (2003) sur l’impact d’un abandon des contrôles aux frontières montre qu’une augmentation de 3% du taux des travailleurs qualifiés et non-qualifiés peut se traduire par un boom économique d’environ 150 billion US$.Une deuxième source d’accélération de la croissance peut être réalisée par une innovation Schumpeterienne. Des nouveaux immigrants apportent et échangent de nouvelles idées, créent de nouvelles affaires et nouvelles industries. Ils peuvent même attirer des investissements directs de leurs pays d’origine. L’aspect théorique de l’activité entrepreunariale des immigrants est souvent négligé, même s’il existe déjà des recherches empiriques. Une étude de Ching et Chen (2000), basée sur l’immigration des entrepreneurs venant de Taiwan au Canada, montre que l’immigration peut contribuer à la croissance du commerce international. Une autre étude montre que l’immigration de la classe des investisseurs (capitalistes passifs) sera plutôt au détriment du commerce international. Toutefois, cet aspect économique de l’immigration n’est toujours pas assez étudié.Troisièmement, la croissance économique peut être stimulée par une augmentation de l’efficacité économique. Les migrants peuvent peut-être mieux s’adapter aux besoins économiques parce qu’ils sont, en moyenne plus jeunes, et s’adaptent mieux aux conditions changeantes de l’économie. Ainsi Borjas (2001) a utilisé son modèle « graissage des roues » qui explique le lien entre l’immigration et croissance. Son ouvrage donne des estimations sur la contribution de la migration à la croissance américaine par « graissage des roues ».Plusieurs autres études sur les mouvements des ouvriers de Cuba en Floride, d’Algérie en France, d’Angola et du Mozambique au Portugal, de l’ancienne URSS en Israel ne sont pas en contradiction avec l’hypothèse selon laquelle les marchés du travail locaux ont la capacité d’absorber des chocs massifs dans un délai relativement court.Mais il faut constater que les études sur l’impact des migrations pour les pays d’accueil sont beaucoup plus nombreuses que celles sur l’impact pour les pays d’origine. Pourtant, l’importance de la migration dans la région MENA exige une telle recherche pour estimer les effets économiques à court et long terme. Nassar (2005) trouve que cette migration des travailleurs a contribué à une diminution du taux de chômage dans les pays d’origine en ce qui concerne les jeunes et les femmes.Une des caractéristiques de cette migration régionale est qu’elle a tendance à être temporaire ou circulaire, par exemple, le nombre des travailleurs égyptiens dans les pays du Golfe dépend du prix du pétrole et de la situation politique dans la région. D’autres exemples sont à noter pour les travailleurs syriens au Liban, ainsi que les paysans égyptiens en Jordanie et en Libye (Fargues 2009, p 28-31). Le cadre de la migration circulaire est plus adapté aux pays de l’UE, dont quelques-uns ont déjà signé des conventions bilatérales en ce qui concerne le travail temporaire : l’Espagne et le Maroc, la France et la Tunisie, l’Italie et l’Egypte. Les effets de cette migration circulaire ont déjà été étudiés.Une étude de Venturini, Fakhoury et Jouant (2009) suggère que la création des emplois en Tunisie, au Maroc, en Algérie et en Egypte a toujours un certain retard, de sorte que le marché du travail crée chaque année une offre excédentaire qui ne peut pas être compensée par la demande des pays MENA. L’étude montre, que les quatre pays mentionnés, environ un demi-million d’emplois, peuvent être candidats à la migration circulaire chaque année.Pour compléter ce tour d’horizon, il faut aussi mentionner encore quelques études qualitatives, qui analysent certains effets de la migration qui sont plus difficiles à quantifier.Un aspect important est le rôle des envois de fonds qui peuvent, dans le contexte néoclassique, contribuer à une meilleure distribution de revenus, à réduire l’inégalité et à augmenter le bien-être général (Borjas 1989). Mais les transferts entre les pays de la migration peuvent aussi renforcer l’inflation et augmenter l’inégalité. Ils peuvent stimuler la réévaluation de la monnaie et ainsi affaiblir la competitivité extérieure du pays (Myrdal 1957). Il ne faut également pas sous-estimer l’importance du ?brain-drain’ (exode des cerveaux), l’émigration des citoyens souvent très bien éduqués, ou bien du brawn-drain, l’émigration des jeunes agriculteurs, parce que cette migration peut causer des coûts substantiels pour le pays ?fournisseur’ des travailleurs qui ne seront probablement pas entièrement compensés par les envois de fonds pour le pays d’origine. Néanmoins, des cas de « brain-drain » ne sont observés que dans des économies relativement petites et très pauvres (Haas 2010). De plus, on a trouvé des effets socio-culturels dans les pays d’origine (consumérisme, attitude non-productive et de dependance) et dans les pays d’accueil (xénophobie et racisme).En résumé, la conclusion presque unanime est que les gains sur le marché du travail sont positifs ou, au moins, négligables. Parfois, en effet, les gains se font aux dépends des anciens migrants ou des travailleurs peu-qualifiés dans le pays d’accueil (Walmsley et al. 2007). D’autre part, la probabilité, que l’immigration contribue au chômage à court terme, reste faible et est même nulle à long terme (Okkerse 2008). En tous cas, il apparaît que l’abandon des restrictions relatives à la migration augmente le bien-être global du pays.
Statistiques descriptives
Vu les récentes évolutions dans la region MENA, mais aussi les changements démographiques dans l’UE, la migration des pays MENA pour l’UE a de nouveau attiré l’attention. Surtout depuis les évènements dans certains pays arabes pendant le ?printemps arabe’ considérés comme un tournant pour la migration en ce qui concerne les relations avec l’UE. Jusqu’à présent, les effets de ces grands changements institutionnels ne peuvent être clairement interprétés.Un autre changement important à l’intérieur de l’UE aura également des effets significatifs sur les mouvements des immigrants hors-UE. Comme observé par le groupe de recherche de la Deutsche Bank (2011), la migration des pays périphériques de l’UE vers les pays plutôt centraux a augmenté en raison de l’impact de la récente crise financière. Les tendances actuelles de la démographie peuvent aussi encourager la migration et créer une perception plus positive des migrants. L’Europe aura besoin de mesures pour stabiliser le niveau de l’emploi si elle veut garder son niveau de vie. Etant donné les taux de natalité très bas dans l’UE, la réponse pourrait être un allègement des politiques migratoires.Nous avons choisi de concentrer nos recherches sur l’Algérie, la TunIsie, l’Egypte et la Turquie, qui ont à l’origine des mouvements les plus forts de migration des pays MENA vers l’UE. En particulier les citoyens marocains et turcs qui représentent une grande proportion de la population étrangère dans certains pays de l’UE. En Allemagne, un quart de la population étrangère est turque, contre 13,1 % de marocains en Espagne. Aux Pays-Bas, les communautés turques et marocaines, représentent chacune environ 25% du total de la population étrangère (EUROSTAT 2011). Les Egyptiens jouent actuellement un rôle mineur dans l’UE, mais représentent une proportion des migrants plus importante en Italie et en Grèce (Zohry 2005).L’Egypte et la Turquie sont de loin les plus grands pays MENA en terme de population avec plus du double de la population algérienne ou marocaine. Le taux de la population active est presque le même pour tous les pays ou régions considérés ici. Cependant, lorqu’on compare les taux de croissance annuelle de la population active, ils sont au moins trois fois plus élevés dans la plupart des pays MENA que dans l’UE. En 2009, la population de l’UE a augmenté de seulement 0,36%, contre 1,87% dans la région MENA. Sur la base de la richesse mesurée en PIB par habitant, le citoyen moyen de l’UE gagne 4 à 8 fois plus qu’un citoyen moyen de la région MENA. [1]En raison des revenus relativement bas dans leur pays d’origine, l’incitation à l’émigration qui est fondée sur les différences de salaires est la plus forte pour les Marocains et les Egyptiens. Le plus riche de ce groupe de pays est la Turquie où les salaires restent encore beaucoup plus bas que ceux de l’UE. Ici il faut peut-être ajouter une remarque concernant la distribution sectorielle du travail : seulement 5% de la main d’oeuvre est employée dans l’agriculture pour l’UE, alors que ce nombre est de 41% pour le Maroc et de 26% pour la Turquie[2]Alors que le taux de participation du travail est très élevé en Algérie et en UE, il est étonnement bas en Turquie, en Tunisie et en Égypte. De plus, le taux de participation des femmes est seulement de 25% dans la plupart des pays MENA (à l’exception de l’Algérie) alors qu’il est de presque 50% dans l’UE. La participation des hommes dans les pays MENA est très élevée, mais seulement de 65% dans l’UE. Une autre observation interessante peut être faite concernant le niveau d’éducation de la main d’?uvre : plus que 80% des marocains n’ont aucune education ou seulement une éducation primaire, une tendance que l’on observe aussi pour les autres pays MENA pour lesquelles les données correspondantes sont disponibles.Alors qu’en général le chômage dans les pays MENA est seulement de quelques points supérieur au niveau moyen de celui de l’UE, le chômage des personnes ayant un diplôme universitaire est souvent quatre fois plus élevé en Afrique du Nord. Le chômage des jeunes ne diffère pas beaucoup dans les pays MENA de celui de l’UE. Ce problème est particulièrement grave pour l’UE, le Maroc, l’Algérie, la Turquie et la Tunisie, où le chômage des jeunes est deux fois plus élevé que le taux de chômage général. Dans ce contexte, il faut mentionner que les taux de croissance du PIB observés dans certains pays MENA pendant les dernières années n’ont pas eu d’effets significatifs sur le marché du travail.L’effet net de la migration est positif dans l’UE et négatif dans la région MENA, on peut donc qualifier la CE de région d’importation du travail et la région MENA de région d’exportation du travail. Environ un cinquième (21,3%) des étrangers de l’UE viennent d’un des pays MENA mentionnés ici.Comme attendu, les travailleurs d’Afrique du Nord ont plus tendance à émigrer vers les pays francophones comme la France et la Belgique. Le language commun a des conséquences sur les coûts d’entrée et de transactions qui sont considérablement plus bas pour les citoyens marocains, tunisiens et algériens. En raison des liens coloniaux, les relations sociales qui sont déjà établies aident la transition pour la migration et contribuent à réduire les coûts des transactions. La France à elle seule compte plus que 63% des migrants d’Afrique du Nord qui restent plus de 7 ans en UE.L’Espagne en termes relatifs est aussi est un pays d’acceuil important pour la migration temporaire d’Afrique du Nord, ce qui s’explique par la demande élevée d’ouvriers saisonniers, surtout dans l’agriculture. La majorité des migrants du Proche ou Moyen Orient vont vers la Suède, le Danemark ou le Royaume-Uni et se répartissent régulièrement dans tous les autres pays. Il faut mentionner que quelques-uns de ces pays de la classification Proche ou Moyen Orient n’appartiennent pas officiellement à la région MENA (par exemple certains pays dans l’Asie Centrale).Il semble donc qu’en moyenne, les migrants sont moins susceptibles de trouver un emploi dans l’UE que les locaux, spécialement en Belgique, Pays-Bas, Espagne et Suède, où les taux de chômage des étrangers sont quelquefois de presque 3,45 points plus élevé que pour les travailleurs locaux. En revanche, le marché du travail en Hongrie, Grèce, Irelande, Portugal, Royaume-Uni et en Italie montre des conditions plus favorables pour les étrangers que pour les locaux.D’abord, les migrants des pays MENA qui avaient des difficultés pour trouver des emplois dans des pays avec des taux de chômage élevés sont, pour la plupart, d’une qualification relativement faible, surtout en Espagne, en France, aux Pays-Bas, en Finlande et en Italie. Par ailleurs, dans les pays où les étrangers ont des taux de chômage plus bas que les locaux (comme la Hongrie, la Pologne ou le Luxembourg), il n’y a presque pas de chômage chez les non-qualifiés. Il est probable que ces pays n’attirent pas autant de travail non-qualifié (soit en raison des salaires plus bas soit parce que le marché du travail est très spécialisé), et accordent la priorité aux migrants plus qualifiés. Seulement dans le cas des Egyptiens, les ouvriers très qualifiés présentent des taux de chômage en moyenne plus élevés que les ouvriers non-qualifiés. Ce n’est pas une surprise eu égard aux taux de chômage très élevés des jeunes travailleurs qualifiés à la recherche d’emploi en Egypte. Mais cela peut sembler surprenant vu la demande élevée de travail au centre de l’UE. Le taux de chômage très élevé de l’UE pour le travail qualifié venant d’Egypte peut montrer un autre signe d’inadéquation sur le marché du travail en Egypte et la qualité inférieure de son éducation dans le secteur tertiaire.
Modèle et Sources des Données
Dans cette etude, on a utilisé le modèle GTAP, un modèle standard d’équilibre général calculable avec migration du travail bilatérale (Hertel1997). Dans le cadre du standard (GTAP), on assume un comportement « conventionnel néoclassique » (maximisation de l’utilité, minimisation des coûts), avec utilité régionale agrégée sur des demandes privées (non-homothétique), demandes publiques et épargnes (demande d’investissement). La production est caractérisée par un rendement d’échelles constants, une technologie parfaitement compétitive et des importations bilatérales differenciées par région d’origine en utilisant la spécification Armington. Le modèle incorpore cinq facteurs de production : le travail qualifié et non-qualifié et le capital sont parfaitement mobiles, les ressources foncières et naturelles sont toutes deux spécifiques aux secteurs (les ressources foncières ont une mobilité réduite) . Dans tous les facteurs des marchés, le plein emploi est assumé (équilibre à long terme). Toutefois, la mobilité du travail et du capital peut se passer seulement entre les régions. Le modèle GTAP permet des divergences entre épargne et investissement régional, mais oblige tout le capital dans une région à bouger seulement à travers des industries de cette région. Le comportement des investisseurs est caracterisé par une ?Global Bank’ fictive qui accumule les épargnes (investment funds) de chaque région pour les redistribuer dans les régions en accord avec un certain « taux de rendement » ou un « mécanisme des parts d’investissement fixe».Les données utilisées pour la simulation proviennent des biens GTAP Data Base 7.1, une source documentée et disponible au public comme source globale de données pour le commerce bilatéral, le transport et les barrières commerciales à travers les régions pour tous les biens GTAP.
Simulations
1. Baisse des restrictions pour la migration d’un pour-cent, et impact sur les variables macroéconomiques et les salaires2. Augmentation de l’emploi qualifié d’un pour-cent (émigration de la région MENA pour l’UE), une augmentation totale de l’emploi aurait-elle les mêmes effets?
Résultats et conclusions
L’étude montre qu’un gain potentiel, mais aussi substantiel du PIB mondial (dans cette simulation environ 56 millions USD) est possible en réduisant les restrictions pour la migration dans l’UE. Mais ce gain sera realisé surtout aux dépens des pays MENA, un résultat en accord avec la recherche actuelle, qui prévoit une forte augmentation du PIB par une augmentation de l’efficacité de l’allocation des facteurs.Tout au long de la recherche nous avons utilisé le cadre EGC qui nous a permis de modéliser les flux de main-d’?uvre avec différentes décompositions des compétences ? haute et basse. Nous avons également pris en compte les transferts de fonds et les flux commerciaux, terre, capital et ressources naturelles. Dans notre premier exercice empirique, une augmentation de 1% du nombre de travailleurs migrants MENA (à la fois qualifiés et peu-qualifiés) a été étudiée, les travailleurs européens devraient connaître des faibles baisses de salaire ? à la fois chez les qualifiés et non qualifiés, tandis que des résultats positifs sont attendus pour les rendements sur la terre, le capital et les ressources naturelles. Ces résultats restent plausibles dans le contexte de la littérature existante concernant les salaires des locaux. Pour les pays MENA, on obtient des résultats inverses, alors que l’augmentation des salaires des travailleurs qualifiés (2,07%) est presque cinq fois plus élevée que pour les non-qualifiés (0,4%).Les pays de l’UE pourraient béneficier sur plusieurs éléments de bien-être graçe à une plus grande allocation des ressources et un meilleur système de collecte des impôts. D’autre part pour les pays de la région, on s’attend à des gains provenant de l’expansion des termes d’échanges et d’envois de fonds de l’UE, tout en perdant un peu de l’efficience allocative, de la dotation, de l’effet de la population et des biens d’équipement. D’autres variables macroéconomiques (consommation, investissement, les dépenses publiques, exportations et importations) dans les 27 pays de l’UE montrent une variation autour de 0,5%, tandis que la consommation augmente dans la région MENA de 0,24%, les dépenses gouvernementales de 0,3%, l’investissement (0,43%) et du commerce (les importations (0,16%) et les exportations (0,7%)) sont en déclin. Dans l’ensemble, une augmentation de 1% de la migration à partir des pays de la région à l’Union européenne conduit à une baisse du PIB total au sein de la région MENA, considérant que l’UE ainsi que le monde entier fait face à une augmentation de la production totale.Dans le deuxième scenario de notre simulation (augmentation d’un pour-cent seulement de la migration « qualifiéee » vers l’UE) les avantages pour l’UE sont moins prononcés et les pertes pour les pays MENA moins graves. Mais l’effet sur les salaires de la région MENA a été plus dramatique : les très rares travailleurs qualifiés dans ces pays peuvent attendre une augmentation salariale de 2%, et les autres à une faible diminution de salaire de 0.11%. Le gain de PIB sera un peu plus bas que dans la première estimation (environ 31 millions USD). Dans l’ensemble, les évolutions quantifiées de la simulation 2 sont moins impressionnantes que les évolutions causées par une augmentation de la migration vers l’UE du travail qualifié ainsi que du travail non-qualifié.Enfin, d’autres simulations ont été testées afin de déterminer la robustesse des résultats avec des paramètres différents.Il en résulte que le marché du travail de l’UE peut absorber avec succès même un nombre plus grand de migrants sans une détérioration du bien-être de la population actuelle, ce qui est conforme aux résultats des recherches antérieures. Mais il faut s’attendre à ce que les pays MENA enregistrent des pertes en ce qui concerne le PIB, la population, l’utilisation de ressources etc. alors que ces pertes ne seront compensées que partiellement par les envois de fonds des autres pays. Ces effets ce font au détriment de la région MENA et ne sont pas une grande surprise et déjà présents dans la littérature. En tous cas, un tel scenario peut représenter un défi pour les politiciens dans les pays d’origine, qui se préoccupent du bien-être de leur pays. Par exemple, une nouvelle politique peut être envisagée pour encourager le retour dans les pays d’origine pour diminuer les effets négatifs. Ceux qui retournent dans leur pays, pourraient peut-être aussi contribuer à une productivité plus élevée grâce au savoir faire obtenu à l’étranger.
Remarque finale:
Les taux de participation au marché du travail sont très bas comparés aux autres régions du monde. En raison du manque de données disponibles, cette étude n’a pas pu étudier les effets de la migration sur ces groupes particuliers. D’autres études seront necessaires pour obtenir plus de connaissances.Les données utilisées sont encore des données de l’UE et de la région MENA avant la crise financière actuelle qui a commencé fin 2007. Il est très probable que cette crise assez importante puisse changer certaines conclusions de l’étude.[1][2] A proprement parlé, la Turquie n’est pas un pays MENA.