Manque de compétences des établissements bancaires, faiblesse de leurs produits financiers, transparence insuffisante des marchés boursiers… Le retard des systèmes financiers des pays méditerranéens limite encore l’arrivée des investissements. Mais les changements engagés vont modifier rapidement la donne s’ils sont poursuivis.
Les 9 mds€ investis par la Commission européenne entre 1995 et 2006 pour soutenir la modernisation et les réformes économiques des pays méditerranéens n’ont pas suffi à combler les différences entre les rives sud et nord de la Méditerranée. Et le constat risque fort d’être le même dans les prochaines années, malgré les 3,2 mds€ prévus sur la période 2007-2013 dans le cadre de la politique de Voisinage de l’Union européenne. Ou encore l’augmentation des interventions de la Banque européenne d’investissement, qui passent de 6 mds€ entre 2002 et 2006 à 10,7 mds€ entre 2007 et 2013.
Les raisons sont multiples mais le retard dans la modernisation des systèmes financiers – banques et marchés boursiers lorsqu’ils existent – joue un rôle fondamental. « En raison de ce retard, l’argent qui arrive n’est pas dirigé vers des investissements productifs », explique Simon Neaime, de l’Institut d’économies financières de l’Université américaine de Beyrouth. Mais pas question pour autant de réduire les efforts engagés : « il est crucial de poursuivre l’aide actuelle pour aider ces pays à se développer ».
Des marchés boursiers embryonnaires
Dans une étude parue sur le site du Femise (FEM33-20) Simon Neaime a dressé un état des lieux détaillés des systèmes financiers de sept pays méditerranéens (Egypte, Liban, Maroc, Tunisie, Algérie, Jordanie et Turquie) et de leurs liens avec le développement économique. Son constat tient en quelques mots : des efforts de modernisation importants ont été engagés, avec une forte accélération ces dernières années, mais il reste des points majeurs de blocage qui limitent les investissements.
Parmi ceux-ci, la prédominance du système bancaire pour tous les mouvements de capitaux alors qu’il n’a pas toujours les compétences pour évaluer les projets d’investissement. L’étude souligne aussi la faiblesse des produits bancaires et le manque de transparence des marchés boursiers qui restent à l’état embryonnaire.
« Les Bourses créées à Casablanca ou à Tunis n’ont qu’une cinquantaine de société cotées dont la majorité à capitaux publics. C’est encore très insuffisant », estime Simon Neaime qui plaide aussi pour la libéralisation totale des capitaux ou encore l’ouverture des taux de change.
Faire face au choc
Car pour lui, ce n’est pas parce qu’une économie est ouverte ou fermée qu’elle résiste mieux aux crises financières mondiales. « Ce qui compte c’est son développement et sa capacité à faire face au choc. Si les pays méditerranéens ont plutôt bien résisté à la crise de 2008, c’est parce qu’ils allaient déjà dans le bon sens. Il faut continuer», insiste-t-il.
Il reconnaît toutefois que grâce à la protection des comptes de capitaux, les réformes financières peuvent être poursuivies sans trop grand risque d’exposition aux crises. D’où l’intérêt de continuer« petit à petit » la levée des barrières sur les flux de capitaux « sur le même rythme que les réformes financières ». Se hâter donc, mais lentement…
Article de Brigitte Challiol, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2010, qui alimenteront également la rubrique « Réflexion Méditerranéenne » du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante : www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par : http://www.econostrum.info/subscription/