Les têtes sont tombées en Méditerranée signant la fin de plusieurs décennies de régimes autoritaires et d’une corruption infiltrée dans toutes les couches de la société. À présent, le challenge consiste à définir de nouvelles règles du jeu sur des bases assainies. L’espoir se fait jour d’une gouvernance empreinte de transparence et assortie d’organismes de contrôle.
Pas si simple de tirer un trait sur cinquante années de régimes autoritaires… Pas si simple non plus de se défaire d’une culture basée sur la peur, l’oppression, l’interdiction de la liberté d’expression, les bakchichs et la corruption. Égypte, Tunisie, Libye et peut-être demain Syrie et Algérie, vont expérimenter les balbutiements d’une démocratie.
« Les peuples aspirent à se forger une nouvelle identité. Ils sont en rupture avec les systèmes occidentaux qu’ils considèrent comme complices des régimes autoritaires dans le but d’assouvir leurs intérêts. Répression et abus persistent dans certains pays. Les nouvelles constitutions permettront d’expérimenter la démocratie. Les peuples regardent le régime turc et se disent qu’Islam et démocratie ne sont pas incompatibles », souligne Lahcen Achy, professeur d’économie à l’INSEA (Institut National de Statistiques et d’Économie appliquée à Rabat).
Contributeur au dernier rapport annuel sur le partenariat Euro-Méditerranéen du Femise « Une nouvelle région méditerranéenne : vers la réalisation d’une transition fondamentale », Lahcen Achy rappelle que les régimes autoritaires étaient assis sur un fort interventionnisme étatique calqué sur le modèle socialiste : gratuité des transports, de la santé, accès aux universités, aux fonctions militaires, subventions à la consommation… Le tout dans un contexte où les expropriations de grands propriétaires terriens et anciens colons étaient courantes.
L’Algérie, un cas à part
Le vent a tourné fin des années 90 avec les grandes vagues de privatisation. Les régimes socialistes découvrent alors la dure loi de la globalisation et de la concurrence internationale. Les salaires dans la fonction publique fondent comme neige au soleil et la corruption devient un sport national en Égypte, au Maroc, en Algérie, car elle permet d’arrondir les fins de mois. Dans l’administration le laxisme domine. La productivité est alors un terme inconnu des fonctionnaires.
La corruption s’organise à grande échelle au sein de la Sonatrach par exemple. Les appels d’offres pour la réalisation de grandes infrastructures sont truqués. Le fossé des inégalités se creuse.
« Ces régimes ont de nombreux points communs basés sur le partage des rentes avec l’autoritarisme en contrepartie. La Libye se démarque. Le pays ne possède pas d’administration, tout était concentré entre les mains de Khadafi. La Syrie a multiplié les services de sécurité et le pays n’a pas de réelle gouvernance. L’Algérie semble plus complexe. Pétrole et gaz font de l’Algérie un pays indépendant et riche sans pour autant que le peuple en perçoive les fruits. La situation sociale apparaît préoccupante. Les militaires détiennent le pouvoir et faire tomber Abdelaziz Bouteflika ne changera rien », analyse Lahcen Achy qui rappelle que les manifestations en début d’année ont été violemment réprimées.
Les Algériens gardent en mémoire les années de terreur et les 100 000 victimes du Front islamique du Salut dans les années 90, arrivé au pouvoir… après des élections.
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Photo Econostrum-MPV
Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2011, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle» du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante:www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/