Le présent rapport a pour objectif d’évaluer les politiques de mise à niveau
conduites par l’Algérie, l’Egypte, le Maroc et la Tunisie depuis une dizaine dan-
née. Ces politiques industrielles sont considérées comme des politiques d’accompa-
gnement à létablissement de la Zone de Libre-Echange entre les pays de l’Union
Européenne d’une part et les Pays Tiers de la Méditerranée d’autre part. Ces
politiques sont
nancées, en partie, par des ressources internes et en partie par
l’Union Européenne via les fonds MEDA.
Notre travail a consisté, d’une part, à synthétiser l’ensemble des informations
disponibles sur les Programmes de Mise à Niveau (PMN) poursuivis par les quatre
pays sous forme de notes qualitatives permettant d’apprécier et de retracer leur
genèse et leur évolution. D’autre part, en partant de statistiques disponibles, nous
avons cherché à bâtir des bases de données pays par pays a
n dapprécier la prime
en termes de performances supplémentaires obtenues par les fi
rmes ayant suivies
les PMN. Lindisponibilité, la médiocrité des données ou leur incomplétude ne
nous a pas permis daller au bout de notre démarche économétrique. Ainsi, les
bases de données ont été construites pour lEgypte, le Maroc et la Tunisie. Mais
seulement la base marocaine permettait une exploitation économétrique détermi-
nant lincidence des PMN sur les performances des
rmes (241 entreprises). Les
données couvraient la période 1998-2005.
Toutefois et en dépit de ces faiblesses statistiques, notre rapport permet de
mettre en exergue quinze résultats fondamentaux permettant de mieux com-
prendre les PMN et leurs incidences actuelles.
Résultat 1 Une des causes importantes de la faiblesse de la per-
formance des PMN réside dans la faiblesse des institutions mises en
uvre pour les diriger. La consolidation des institutions et le décou-
page précis des rôles est nécessaire pour une mise en uvre e¤ective
des PMN. Dans les quatre pays étudiés (Algérie, Egypte, Maroc et Tunisie), on
montre que labsence dinstitutions ou la multiplication des institutions et des ac-
teurs a contribué à leur échec relatif. La concurrence entre institutions gouvernant
les programmes ministères, autorités spéci
ques, associations. . . a conduit à un
émiettement du suivi et à des coûts de transactions élevés pour les PME qui ont
préféré labandon du programme. Lindépendance des organismes de suivi et de
mise en uvre ainsi que la mise en place de contrats dobjectifs pour ces mêmes
institutions devraient permettre une meilleure e¢ cacité des PMN.
Résultat 2 – Labsence ou la non-disponibilité des statistiques o¢ –
cielles et de suivi précis de ces programmes handicape toute tentative
dévaluation sérieuse permettant de guider les autorités publiques. Nous
recommandons fortement la mise en place dans le cadre de la FEMISE dune cel-
lule de suivi permanent des PMN assurant ainsi la lisibilité des actions conduites
et permettant déclairer la décision publique. Notre travail constitue de ce point
de vue une première étape dune évaluation plus globale à intervalles réguliers.
Résultat 3 – Une forte sélectivité par létablissement de critères trop
astreignants a conduit à léchec des programmes dans certains pays –
notamment en Algérie -. Une logique contracturelle de type restructuration-
transparence en contrepartie davantages et de primes donnerait de meilleurs ré-
sultats. La restructuration des
rmes ne peut être e¤ectuée sur la base de critère
a priori. Les pays en question sont devant deux alternatives :
a) un ciblage « agressif » ou les PMN se centreraient sur des secteurs porteurs
non nécessairement exportateurs ? et où laide serait plus conséquente ; Ceci
permettrait lémergence de locomotives ou de champions nationaux. Lorientation
récente de la nouvelle politique industrielle européenne va dans ce sens.
b) une amélioration globale des pratiques des
rmes en élargissant la base
des
rmes aidées. Ici on cherche davantage un e¤et dentraînement et de démons-
tration des meilleures pratiques en misant sur les nouveaux comportements des
entrepreneurs comme leviers de di¤usion. Les PMN serviraient à accroître globa-
lement et en moyenne la performance du tissu industriel.
Résultat 4 ? Le montant moyen de laide
nancière par
rme reste
assez faible pour pouvoir inuer positivement sur ses performances. A
titre dexemple, dans le cas du Maroc, laide varie de 0,5 à 5% du Chiffre daffaires.
Lémiettement des fonds ou la faiblesse initiale des fonds conduit à une aide de
faible niveau et peu signi
cative. Les leviers supplémentaires nont pas fonctionné
à la suite de lobtention des aides initiales.
Résultat 5 ? Limpact des PMN sur la relation entreprise industrielle
secteur bancaire est faible. En e¤et, les conditions dexercice actuelles du sec-
teur bancaire et labsence de fonds de garantie suffisants pèsent lourdement sur
le
nancement de linvestissement des fi
rmes. Ces diffcultés apparaissent même
dans des pays ou les contraintes macro-économiques ne sont pas sévères (Algérie)
et ou le taux dépargne est élevé.
Résultat 6 ? Quel que soit le pays considéré, une phase de tâton-
nement plus ou moins longue a été observée. En e¤et, les objectifs des
programmes et les modalités de mise en uvre nétaient pas clairement compris
par les acteurs (
rmes et Etat). La formalisation de la notion de mise à niveau
et sa transcription en termes de politique économique a mis une dizaine dannées
à se concrétiser. Elle varie fortement dun pays à un autre. Toutefois, force est
de reconnaître quil existe de nos jours une forte convergence sur les objectifs, les
modalités et les moyens comme en témoigne létude par pays. La comparabilité
statistique et le suivi des programmes pourraient conduire à une saine concurrence
en termes de résultats entre les pays de la région.
Résultat 7 Les politiques de mise à niveau sont des politiques
structurelles à long terme. Elles nécessitent ainsi dêtre inscrites dans
la durée. De ce point de vue, une approche globale à la tunisienne est re-
commandée. Elle consiste à bâtir une stratégie de restructuration des
rmes en
partant des conditions dexercice jusquà lintroduction en bourse permet dinuer
sur les trajectoires des
rmes et du mode de développement du capitalisme actuel
dans la rive sud de la Méditerranée. En labsence dun modèle de management «
méditerranéen » viable et face à line¢ cacité des anciens modes de management,
les politiques de mise à niveau pourraient permettre de dessiner les étapes de dé-
veloppement des
rmes. Une logique mimétique selon la réplication des meilleures
pratiques permettrait par la suite de prendre le relais. Les objectifs des PMN
vont au delà de la simple restructuration des
rmes pour a¤ronter la concurrence
internationale dans le cadre de la ZLE.
Résultat 8 Les PMN nont pas eu dincidence sur le blocage de
la spécialisation internationale des pays considérés. Les dispositifs actuels
tiennent faiblement compte des aspects liés à la diversi
cation et à lémergence
de
firmes exerçant sur les secteurs porteurs ou à forte valeur ajoutée. Ce résultat
est corroboré par le résultat économétrique numéro 14).
Résultat 9 Les PMN nont pas eu dincidence sur le niveau dinvestissement
et de FBCF qui reste faible. Laccumulation du capital na pas été accélérée par
les PMN de manière signi
cative.
Résultat 10 Le taux dabandon des PMN après ladhésion est important
au Maroc et en Algérie. Ceci témoigne de la faiblesse des incitations actuelles à la
mise à niveau. La faiblesse de la prime
nancière, la multiplicité des acteurs, les
lourdeurs administratifs sont les principales causes.
Relativement à nos estimations économétriques cinq résultats méritent dêtre
signalés :
Résultat 11 De manière globale, si len prend la totalité des
rmes sur les
trois pays (Egypte, Tunisie et Maroc) lanalyse univariée montre un e¤et positif
des PMN sur la croissance des ventes, lemploi et lendettement. En revanche,
le¤et est plus nuancé sur la productivité, linvestissement et les exportations. Les
PMN en tant que politique de restructuration nont pas suivi le chemin habituel
où la rationalisation des coûts (licenciements. . . ) et laugmentation de la produc-
tivité sont au centre des préoccupations. Les entreprises adhérentes aux PMN
ont cherché à con
rmer leurs positions sur le sol domestique par une politique
de croissance en pro
tant de leur avantages actuels et en augmentant leur parts
de marchés. La référence à la croissance potentielle des
rmes étrangères lors de
létablissement de la ZLE est quasi absente dans les agissements actuels !
Résultat 12 Les
rmes marocaines avec des participations étrangères ont
mieux béné
cié des impacts des PMN à la fois en termes de ventes, dexportations,
demploi et dinvestissement. Les leviers de la restructuration sont ici démultipliés.
Limpact sur les exportations est signi
catif. La relation entre restructuration
(Mise à Niveau) et internationalisation de la fi
rme est clairement établie.
Résultat 13 Les résultats de notre analyse concernant l’impact de la sé-
paration du pouvoir et du contrôle sur les performances des
firmes marocaines
n’est pas signi
catif. Globalement, les fi
rmes où la séparation du contrôle et de
la propriété est établie ont mieux béné
ficié en matière d’augmentation des ventes
et de production alors que les
rmes où les deux fonctions sont concentrées elles
ont mieux béné
cié en termes dexportations, demploi et dinvestissement. Ces
logiques pourraient traduire deux stratégies di¤érentes de
rmes. Pour les
firmes
anciennement établies avec une structure familiale et une concentration du pou-
voir et du contrôle la diversi
cation des marchés et l’investissement était recherché
dans leur adhésion aux PMN. En revanche, pour les
firmes nouvellement établies
(avec une séparation des fonctions) elles ont cherché à mieux simplanter sur le
sol domestique et à accroître leur part de marché (ventes et emploi).
Résultat 14 Les entreprises marocaines fortement exportatrices ont accru
leurs performances en termes dexportations et demploi alors que les fi
rmes fai-
blement exportatrices elles ont continué à se tourner vers le marché local et ont
cherché à augmenter leurs ventes, le volume de lemploi et leur productivité. Les
PMN nont pas pu inéchir les logiques des
rmes à légard de linternationalisa-
tion. Au contraire, elles ont enraciné les trajectoires initiales. La recherche de la
consolidation des avantages acquis est au centre de la politique de développement.
Résultat 15 Lanalyse multivariée présente les résultats destimation dun
panel à effets
fixes sur limpact de la mise à niveau sur la production à partir de
léchantillon des
rmes marocaines qui comportent 241 unités observées durant la
période 1998-2005. A léchelle individuelle, les coefficients associés aux variables
qui représentent linvestissement et lemploi sont positifs et signi
catifs au seuil
de 1% con
rmant le sens de la corrélation théoriquement admis. L’impact du lan-
cement des programmes de mise à niveau (variable MAN) nest pas conforme au
sens de corrélation espéré, cest à dire on ne parvient pas à garantir une amé-
lioration du niveau du chiffre d’affaires, ni celui de la productivité des
rmes
marocaines contenues dans léchantillon. Lorsqu’on croise cette variable avec les
quelques indicateurs reétant les politiques daccompagnement, on décèle une lé-
gère amélioration dans les résultats économétriques. Essentiellement, la variable
combinée MAN*INV conçue pour tester si linvestissement est plus effcace après
la mise à niveau fournit un coe¢ cient estimé positif et signi
catif au seuil de 10%
dans le cas de la mesure de l’impact sur lévolution du chi¤re da¤aires et 5% dans
le cas de l’évolution de la production. Un autre résultat statistiquement signi
catif
concerne la variable MAN*DIV qui montre que spécialisation est plus béné
fique
que la diversi
cation sur d’autres marchés.