L’objectif de cette étude est d’analyser dans une perspective comparative le soutien gouvernemental pour l’innovation. Tout d’abord, on examine les principaux instruments de soutien financier à l’innovation qui existent en Turquie et en Pologne, et ensuite, on évalue leur efficacité en utilisant des techniques économétriques récentes sur les données au niveau des entreprises des deux pays tirées de l’Enquête communautaire sur l’innovation (CIS).Comparer la Turquie à la Pologne est à la fois significatif et prometteur du point de vue de l’analyse des politiques. Les deux pays sont comparables en niveau de développement économique et en capacités technologiques, à savoir la capacité de leurs économies à créer du savoir et à l’exploiter commercialement. Tous deux ont subi de profondes réformes axées sur le marché au cours des dernières décennies ? la Turquie depuis 1980, la Pologne depuis 1989 ? qui ont entrainé un important rattrapage de leurs économies. Toutefois, comme les possibilités de poursuivre une croissance économique basée sur des changements structurels et sur l’élimination des obstacles aux entreprises sont en diminution, le problème de construire une économie fondée sur le savoir vient à l’avant.En Turquie, on peut observer la popularité croissante et les pratiques généreuses des incitations publiques pour la R et D et l’innovation industrielles, en plus de l’évolution récente des politiques publiques visant le soutien à l’entrepreneuriat technologique et à la commercialisation des résultats de recherche. Depuis 2004, les modifications et les améliorations significatives qui ont eu lieu en Turquie, en ce qui concerne les projets politiques de science et de technologie, ont réellement influencé le système national d’innovation de plusieurs façons: l’augmentation importante du soutien public fourni à la R et D privée ; la diversification des programmes de soutien direct pour la R et D et l’innovation privées, étant adaptée aux besoins des innovateurs potentiels ; l’élargissement de la portée des actuelles incitations fiscales pour les activités de R et D privée et la mise en ?uvre de nouvelles incitations ; la mise en ?uvre de nouveaux programmes de subvention à l’appel ciblant les domaines de la technologie et les industries en fonction des priorités nationales. Étant donné la grande allocation de ressources aux contributions gouvernementales, il y a un besoin croissant et urgent pour le suivi et l’évaluation systématiques de la R et D et de l’innovation en Turquie.En Pologne, pendant la période de transition économique, les politiques de science, technologie et innovation (STI) étaient de deuxième rang et manquaient de financement, de coordination et de vision. Depuis lors, l’architecture institutionnelle a évolué, entraînant ainsi un manque de continuité et une courte mémoire institutionnelle. Une avancée majeure a eu lieu après 2004, lorsque des montants considérables des fonds structurels européens ont été alloués à l’innovation. On peut distinguer trois principaux domaines d’appui: la création de technologies, l’absorption de la technologie, et le soutien indirect. Cependant, en ce qui concerne les programmes publics ciblant les entreprises, l’absorption de la technologie est l’instrument dominant. Par conséquent, il est logique de se demander si les fonds de l’UE sont dépensés de la meilleure façon possible, et en particulier, s’ils contribuent à une meilleure performance de l’innovation dans l’économie.Afin d’évaluer l’efficacité de l’aide publique, la même méthodologie économétrique est utilisée pour analyser les éditions turque et polonaise de l’Enquête communautaire sur l’innovation pour les entreprises manufacturières durant la période 2008-2010. Deux modèles sont estimés: le premier suit le modèle classique CDM et évalue le rôle des dépenses sur l’innovation, mais en supposant l’exogénéité du soutien gouvernemental, et le deuxième prend l’aide gouvernementale comme endogène mais adopte une version simplifiée de l’équation de la performance de l’innovation. Selon la disponibilité des données, on propose une analyse étendue pour les deux pays: pour la Turquie, on estime un modèle CDM entier ; pour la Pologne, on analyse des données de panel pour la période 2006-2010 et on évalue l’efficacité de certains types de soutien public.L’analyse des données révèle que le soutien gouvernemental contribue à l’augmentation des dépenses des entreprises sur l’innovation, ce qui, à son tour, améliore leurs chances de créer des innovations de produits. L’effet reste positif quand on tient compte d’une éventuelle sélection non aléatoire des entreprises pour les programmes gouvernementaux de soutien. L’analyse approfondie de la Turquie prouve qu’une corrélation positive existe entre l’innovation et la productivité de l’entreprise.En revanche, des différences importantes entre les différents types d’aide publique ont été identifiées. En particulier, le soutien du gouvernement local s’est avéré inefficace ou moins efficace que le soutien du gouvernement central ou de l’Union européenne. Par ailleurs, en Pologne, les subventions à l’investissement dans de nouveaux équipements et machines et dans l’amélioration des ressources humaines semblent contribuer significativement moins à la performance de l’innovation que le soutien aux activités de la R et D dans les entreprises.En ce qui concerne les recommandations pour les politiques, le rapport encourage une augmentation du montant du soutien à l’innovation et du nombre d’instruments utilisés en Turquie, mais une analyse plus spécifique est nécessaire pour expliquer l’inefficacité du soutien du gouvernement local. En Pologne, selon les auteurs, il faut reconcevoir les projets de soutien à l’innovation pour les entreprises, afin de mettre davantage l’accent sur les activités de la R et D et sur le développement de produits et technologies réellement nouveaux.