Les gouvernements d’Egypte, du Maroc et de la Tunisie ont récemment annoncé qu’ils se préparent pour changer de politique et passer à la politique de ciblage d’inflation (CI). Il s’agit d’une politique monétaire dont l’objectif principal est de maintenir le taux d’inflation autour d’une cible à l’intérieur d’un intervalle bien défini et publiquement. Annoncé. Cet intervalle doit être assez réduit tout en laissant à la banque centrale une certaine flexibilité et la possibilité de tenir compte d’autres objectifs macroéconomiques. Quoique le principe de base de la politique de ciblage d’inflation soit simple certaines conditions sont requises pour la réussite de sa mise en oeuvre. Ces conditions sont elles remplies ou pourraient elles l’être assez rapidement par ces tris pays ? Ces pays sont-ils prêts pour cette transition ? Ce rapport cherche principalement à répondre à cette question. En effet, certaines conditions sont relativement faciles à remplir, peut être progressivement mais dans des délais proches, d’autres semblent bien plus difficiles. En particulier, la solidité du système financier est une condition préalable dont la réalisation est un vrai défi. Dans ces trois pays, le système financier demeure plutôt fragile malgré tous les efforts et toutes les réformes qu’ils ont réalisées au cours des dernières décennies. Le niveau du déficit budgétaire et de la dette publique ainsi que le taux de mauvaises créances détenues par les banques constituent selon le pays et à des degrés divers des indicateurs de cette fragilité.
L’indépendance et la transparence de la banque centrale constituent une autre condition fondamentale de CI. La banque centrale doit être assez autonome pour pouvoir adapter librement le choix de ses instruments en fonction des objectifs attendus en vue d’assurer sa crédibilité et pour qu’elle puisse être tenue comptable de son action. Alors qu’on distingue souvent entre indépendance en matière de choix des instruments et indépendance en matière de choix des objectifs (Debelle and Fischer, 1994), dans le cas de CI le critère des instruments est plus déterminant dans la mesure où la cible d’inflation est par définition l’objectif fondamental et primordial. L’essentiel c’est que la banque centrale soit dotée du pouvoir lui permettant de résister contre toute pression externe la poussant à dévier par rapport à son objectif fondamental et que le public croit qu’elle a la liberté d’agir conformément aux exigences de sa stratégie et qu’elle n’est pas obligée de financer le déficitaire budgétaire de l’État quelque soit son niveau. C’est pourquoi la discipline budgétaire est un corollaire de l’indépendance de la banque centrale. De même, la transparence de la banque et son obligation de rendre compte centrale au public à travers des instances représentatives sont indissociables de cette indépendance. Dans sa version formelle et explicite, le CI, impose que des mécanismes d’incitation et de sanction soient mis en place pour que la banque centrale soit amenée à se comporter conformément à son objectif et que les décisions de politique monétaire soient régulièrement et clairement communiquées au public, notamment au système financier (Mishkin, 2002). Les communiqués de la banque centrale doivent éclairer le public sur la politique adoptée et les objectifs opérationnels afin de réduire au maximum le biais inflationniste et les incertitudes au sein du système financier. Une politique monétaire transparente signifie que les décisions prises par la banque centrale ne sont pas en contradiction avec les anticipations du marché et de ce fait elles contribuent à la réduction du coût du contrôle de l’inflation.
L’efficacité de la banque centrale et de la politique monétaire dépend aussi du niveau de développement du système financier et de sa stabilité. Les crises les plus graves se déclenchent suite à l’instabilité du système financier (Mishkin, 2002). Les banques qui sont en situation de stress, ou qui sont mal gérées, risquent de demander l’aide de l’État d’une manière ou d’une autre et de le pousser à dérégler la politique monétaire. Si la banque centrale décide d’augmenter le taux d’intérêt en vue de contrecarrer l’inflation cela pourrait fragiliser davantage les banques en difficulté et les pousser à réagir dans le sens contraire à celui souhaité. L’expérience internationale, y compris celle des Etats-Unis démontre que les mesures de lutte contre l’inflation (notamment l’augmentation du taux d’intérêt) affaiblissent les institutions financières les moins bien gérées et mettent certaines d’entre elles en péril, ce qui provoque un processus d’instabilité financière.
Un système financier aurait aussi de la peine à s’adapter à la liberté du mouvement des capitaux et à la flexibilité du taux de change qui font partie des composantes d’une stratégie de CI. Le CI n’est pas compatible avec un régime de change fixe puisque cela reviendrait à avoir deux cibles nominales en même temps, quoique selon Mishkin (2002, 2004), la condition de flexibilité du taux de change devrait peut être nuancée dans le contexte des pays en développement.
La solidité du système financier est par ailleurs indissociable de la solidité de la politique budgétaire. La dominance fiscale est une menace pour la stabilité de tout le système financier puisque la pression de contribuer au financement du déficit budgétaire va peser non seulement sur la banque centrale mais aussi sur les banques et le reste des institutions financières. La discipline budgétaire est un principal pilier de la crédibilité et de l’indépendance de la banque centrale et de la viabilité des institutions financières du pays.
Cependant, l’indépendance de la banquet centrale et la discipline budgétaire n’impliquent pas que la politique monétaire et la politique budgétaire doivent être totalement séparées. En fait l’harmonisation de ces deux politiques est nécessaire et tout désaccord entre le ministère des finances et la banque centrale envoie vers le public et le marché. Il est évident que ce principe ne s’applique pas seulement au cas de la politique de CI ; c’est un principe général pour n’importe quelle politique monétaire cohérente.
Le rapport est présenté en deux parties: la première porte sur le processus engagé par l’Egypte, le Maroc et la Tunisie en vue de se préparer au passage au CI et tire des leçons de l’expérience de la Turquie qui a déjà terminé sa phase transitoire au régime de CI explicite depuis 2006. La deuxième partie examine principalement les mécanismes de transmission de la politique monétaire de ces trois pays.
I. La préparation au CI
Cette partie se compose d’études de cas sous forme d’articles séparés. Dans les trois articles consacrés respectivement à l’Egypte, le Maroc et la Tunisie, les auteurs essaient d’évaluer dans quelle mesure ces pays parviennent à se préparer à la transition au CI explicite. Ces articles s’intitulent comme suit :
5. Préparation au ciblage d’inflation : cas de l’Egypte,
6. Politique monétaire et passage au CI au Maroc
7. Préparation au ciblage d’inflation en Tunisie
Le quatrième article traite le cas de la Turquie qui a déjà achevé sa phase transitoire et adopté pleinement cette stratégie. L’article sur la Turquie a pour titre :
8. L’expérience de ciblage d’inflation de la Turquie : 2006-2007
En Egypte, l’objectif de la Banque centrale égyptienne (CBE) est actuellement établi dans le cadre du programme de passage au CI qui aura lieu dès que le dispositif nécessaire est mis en place (CBE, 2005). Au cours de la phase transitoire, l’autorité monétaire égyptienne se propose de se baser désormais notamment sur la gestion du taux d’intérêt de court terme et s’est engage dans une série de réformes. Cependant la CBE demeure sous le poids de la dominance budgétaire à cause du haut niveau du déficit budgétaire et de la dette publique du pays. Certes, quelques étapes importantes ont été franchies dans le sens du passage au CI. Dans le cadre d’une nouvelle législation la stabilité des prix a été instituée comme l’objectif principal de la banque centrale et l’octroi de crédits à l’État par la CBE a été interdit tout en affirmant le principe de l’indépendance de CBE ; néanmoins l’Egypte ne satisfait pas encore certaines conditions essentielles, y compris l’indépendance de CBE. La persistance du régime de change fixe peut être vue comme un autre obstacle.
Il semble en outre que le comportement de la CBE soit caractérisé par une absence d’ancrage clair des anticipations en matière d’inflation. L’inflation a atteint un niveau record de 23% en aout 2008 et le niveau du déficit public et de la dette demeure élevé. Il en découle que le taux d’intérêt risque d’augmenter entrainant une nouvelle augmentation de la dette et la tentation de réduire le taux d’intérêt du côté de la banque centrale et l’accélération de la spirale inflationniste. Tout cela reflète peut être une insuffisance au niveau de l’engagement de l’État en faveur du CI. En fait, la CBE a décidé d’augmenter son taux directeur mais il s’agit d’une faible baisse, ce qui confirme sa réticence en matière de choix de politique et peut être concernant l& transition au CI.
La situation en Tunisie est aussi marquée par la faiblesse de l’engagement en faveur du CI. Le gouvernement a certes annoncé qu’il se prépare à son adoption, concomitamment avec l’assouplissement du mouvement des capitaux et le passage à la pleine convertibilité du dinar tunisien, après une période transitoire mais, malgré toutes les réformes économiques et financières qu’il a mises en oeuvre, plusieurs conditions essentielles du CI n’y sont pas satisfaites. En particulier, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) ne jouit pas de l’indépendance nécessaire et le système financier est fragile et peu transparent. Le système bancaire, la principale composante du système financier, est fragile et le haut niveau des mauvaises créances qu’il détient réduit son efficacité et l’empêche de servir pleinement de canal de transmission de la politique monétaire.
Il ressort de l’analyse de la situation actuelle que la Tunisie doit entreprendre d’importes réformes avant d’adopter pleinement la stratégie CI. D’abord, il faudra renforcer la transparence et l’indépendance de la BCT. L’absence d’un indicateur de performance bien défini et son étroite dépendance du pouvoir exécutif compromettent son indépendance et sa crédibilité. Le gouverneur de la BCT est désigné par le pouvoir exécutif et centralise l’essentiel du pouvoir. Les membres du conseil d’administration de la BCT sont eux aussi nommés par le gouvernement.
Toutefois, au cours de la cette décennie plusieurs réformes ont été réalisées en vue de moderniser le système financier. Plus particulièrement, Presque tous les aspects du fonctionnement des banques étaient jusqu’à 1995 étaient étroitement contrôlés par la BCT et le ministère des finances. Cela a profondément changé. En outre depuis 2001 une nouvelle loi bancaire a été introduite permettant de renforcer la supervision bancaire et de les adapter à leur nouvel environnement amis pas assez pour se conformer à toutes les normes du comité Bâle (Bâle II).
Les statistiques indiquent que le taux de mauvaises créances s’est situé autour de 19% en 2006 un peu plus élevé pour les banques publiques (19.7%) que pour les banques privées (18.7%). Il s’avère que la BCT ne parvient pas à employer les moyens que lui attribue la loi pour éviter ce fléau.
La politique de la BCT était pendant une longue période basée sur deux piliers : cibler le taux de croissance de la masse monétaire et contrôler le taux de change effectif réel.
Pour contrôler l’évolution de la masse monétaire la BCT adopte la procédure des appels d’offre mais telle qu’elle était suivie depuis le milieu des années 90 elle aboutit, de facto, plutôt à la stabilisation du taux d’intérêt du marché monétaire. Les banques étant dépendantes de la BCT obtiennent les liquidités dont elles ont besoin au taux en cours. Given that banks are quite dependent on its resources, the BCT usually satisfies their liquidity requests in order to keep interest rates stable. On peut aussi dire que dans la pratique la politique de la BCT est déterminée plus par les besoins de l’Etat et ses programmes que par les cibles monétaires quoique sa performance concernant la stabilisation du taux de change réel est jugée très satisfaisante.
Il est à noter que la BCT ne fournit pas de fonds directement à l’État. Il est clair aussi que les réformes poursuivies depuis les années 90 ont institué des règles assurant plus de discipline budgétaire et par voie de conséquence à des d’inflation plus réduits. Le gouvernement a en outre adopté un mode de gestion de la dette de l’État conforme aux principes et mécanismes du marché en rendant la dette de l’État commercialisable sur e marché financier, ce qui est de nature à inciter l’État à maîtrise son déficit. Toutefois malgré ce progrès la politique monétaire n’était pas totalement à l’abris de la dominance budgétaire.
Au Maroc La banque centrale, Bank ElMaghrib (BAM) se présente comme le candidat de la région le mieux préparé au passage au CI. Depuis 2005, d’important progrès ont été accomplis en vue de remplir les conditions de sa réussite. Faisant suite à une profonde refonte de son statut, elle a développé ses capacités d’analyse et de prévision des principales variables macroéconomiques et a déjà commencé la publication systématique de prévisions sur l’inflation. Les décisions se politique monétaire prises par la BAM sont régulièrement publiées. Ainsi la BAM a enregistré un progrès notable en matière de transparence et de relation publique. De même, plus d’indépendance lui est attribuée. Le déficit budgétaire et la dette publique sont ramenés à des niveaux confortables. Pourtant, avant 2005, le système financier et la politique monétaire du Maroc n’étaient pas nettement plus solides qu’en Tunisie ;<c’est dire qu’un progrès rapide est possible pourvu que l’État s’y engage.
L’expérience Turque est encore plus significative de ce point de vue. Elle montre que l’évolution est possible ; d’une situation de fragilité et d’instabilité financières il est possible de passer à une situation nettement plus solide et plus stable. La Turquie était caractérisée par de hauts niveaux de déficit budgétaire et d’inflation et a traversé une série de graves crises. Et c’est après la crise de 2000 que ses autorités ont pris la résolution de prendre les mesures nécessaires à la transition au CI achevée e 2006. L’article sur la Turquie apporte une première évaluation de cette expérience de CI évidemment encore à son début.
II. LES MECANISMES DE TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONETAIRE en Egypte, au Maroc et en Tunisie.
L’analyse des mécanismes de transmission de la politique monétaire (MTM) porte principalement sur la compréhension et la mesure des décalages temporels entre le
moment où une décision de politique monétaire est prise et celui où ses effets sur les variables macroéconomiques de base nominales et réelles se produisent. En particulier il s’agit de comprendre les impacts d’un changement du taux d’intérêt directeur sur les variables macroéconomiques clés, y compris sur le taux de change, le volume des crédits et surtout sur le taux d’inflation. On ne se limite pas à l’identification de ces impacts ; il est important d’en mesurer l’ampleur, ce qui est essentiel à la conduite de toute politique monétaire, encore plus du CI. Dans les pays objet de ce rapport on est cependant encore au stade de l’identification des mécanismes en vigueur et des variables les plus concernées. Quels sont les canaux en vigueur et lequel est prépondérant, cela reste à clarifier.
A cet effet, deux approches sont adoptées dans ce rapport pour analyser les MTM. La première (article de Boughzala) est basée sur des données individuelles portant sur un panel de banques complétées par des données sur les entreprises. La seconde approche (article de Boughrara) est basée sur des séries temporelles plutôt macroéconomiques et estime divers modèles VAR. Cette dernière approche est la plus couramment utilisée dans la littérature.
Le premier article basé sur la première approche s’intitule « MTM et les imperfections du système bancaire ». Il a une couverture géographique plus étendue mais adopte un champ d’investigation plus restreint. Il cherche à répondre à la seule question suivante : dans quelle mesure un changement du taux d’intérêt directeur (de court terme) de la banque centrale se transmet au taux débiteur des banques et par la suite sur le volume des crédits qu’elle accorde principalement aux entreprises ? A quel vitesse les actions de la banque centrale se reflètent à travers les taux et le volume des crédits des banques ? On y développe l’idée que l’efficacité de la politique monétaire dépend des MTM opérationnels et qu’elle varie d’un pays (ou groupe de pays) à un autre. En particulier les MTM fonctionnent d’une manière plus efficace dans certains pays de l’union Européenne que dans d’autres situés dans la région MENA. En plus de l’Egypte, du Maroc et de la Tunisie on a inclut la Jordanie et le Liban. Du fait que les la politique monétaire se transmet principalement à travers le système bancaire la structure et l’efficacité du marché bancaire s’avère déterminante. On suppose que le taux d’intérêt directeur est le principal instrument de la banque centrale et on se limite à l’exploration de la réaction des banques en terme de volume de crédit, ce qui nous renseigne sur l’impact attendu sur l’inflation et le niveau d’activité économique. La réaction des banques va dépendre de la structure du marché bancaire (plus ou moins concurrentiel), de la nature des risques adoptés par les banques et la qualité de leurs actifs, de leur niveau de liquidité (Ehrmann M., Gambacorta L., Martinez-Pagés J., Sevestre P., Worms A., 2001). En effet, les banques les plus liquides ou qui ont un accès plus facile à des ressources liquides, par exemple en échangeant facilement des actifs sur le marché financier, sont moins dépendantes de la banque centrale et réagissent moins vite à ses décisions. Elles pourront en particulier continuer à offrir le même volume de crédit au même taux d’intérêt.
Le modèle utilisé dans ce travail suppose que la concurrence dans le marché bancaire est imparfaite et permet d’envisager et de tester diverses spécifications moyennant une riche base de données (bankscope). La plus simple suppose que les crédits bancaires dépendent du taux de la banquet centrale, du volume de dépôts de la banquet, de ses actifs, de ses revenues ne provenant pas des intérêts reçus, et d’une variable dummy correspondant au pays ou groupe de pays (UE ou MENA) auquel la banque appartient. Le taus débiteur étant une variable endogène il est introduit avec un retard mais son coefficient s’est avéré peu significatif alors que le taux de la banque
central est significatif et avec le signe attendu. De meme, le coefficient de la variable dummy est significatif et confirme bien que le système bancaire européen transmit plu et plus vite les actions annoncées par la BC. Tous les autres coefficients ont aussi le signe attendu et sont significatifs.
Le deuxième article est intitulé «Analyse des mécanismes de transmission de la politique monétaire en Egypte, au Maroc et en Tunisie» et explore divers canaux de transmission. Il examine les quatre canaux classiques relatifs aux TMT, à savoir le canal du taux de change, le canal du taux d’intérêt, le canal des crédits et le canal du marché financier. Ce sont les canaux les plus susceptibles d’être fonctionnels dans les pays considérés sans couvrir tous les canaux potentiels et possibles. L’importance de ces canaux est appréciée à l’aide de tests de causalité de Granger et plus formellement de modèles VAR structurels.
Les résultats montrent que le pass-through du taux d’intérêt est incomplet pour tous les taux de détail et dans tous les pays ; c’est-à-dire que les mesures prises par la banque centrale ne sont transmises que partiellement à travers les banques aux taux débiteurs, et encore moins au taux créditeurs. En Egypte l’impact sur les taux sur les crédits est de 31% alors qu’il n’est que de 11% pour les taux sur les dépôts. Au Maroc, le pass-through du taux d’intérêt est un peu plus élevé, approximativement 40% au lieu de 33%. Celui de la Tunisie n’est pas statistiquement différent de celui du Maroc.
La rigidité des taux de détail peut s’expliquer par les coûts d’ajustement de ces taux e par la faible concurrence entre les banques, laquelle est reflétée par l’ampleur du spread. La faiblesse de la concurrence et le caractère oligopolistique du marché bancaire sont renforcés par la réglementation, les collusions, les ententes entre les banques (en Tunisie notamment) et par le coût fixe associé à l’accès au marché. Il est permis néanmoins de s’attendre à un renforcement du canal du taux d’intérêt suite à l’amélioration de l’environnement économique et financier.
Ceci étant l’essentiel de l’analyse consiste à examiner la transmission de l’effet du taux d’intérêt sur les niveaux des prix et de l’activité économique.
A cet effet, d’abord une situation de référence (base line) est établie su la base d’un modèle VAR incorporant le prix du pétrole et le taux directeur des Etats-Unis afin d’éviter certaines anomalies telle que l’énigme des prix. Les données sont mensuelles, couvrant la période 1997:01-2007:12, et sont extraites du CD ROM des statistiques financières du FMI (Juillet 2008). Le niveau d’activité est indiqué par le PIB et celui des prix par l’indice des prix de gros (WPI). Pour le cas de l’Egypte, le taux de change (ER) est celui du taux par rapport au dollar US et l’activité du marché financier est représentée par l’indice de la bourse du Caire et d’Alexandrie (CASE).
Il ressort aussi que les prix réagissent vite à la politique monétaire. Suite à une augmentation du taux d’intérêt, le niveau des prix commence à baisser après a peu près un trimestre. Ceci est conforme à des résultats obtenus précédemment (Rabanal, 2005 and Al-Mashat and Billmeier, 2007). En revanche, la réaction du niveau d’activité à la variation du taux de change est lente ; il faut attendre une année pour observer cette réaction.
Afin de détecter le canal du crédit, le modèle de base est augmenté en y introduisant le volume des crédits et le taux d’intérêt débiteur des banques. L’accent a été mis sur la séparation de l’effet sur la demande de l’effet sur l’offre de crédits, sachant que la variation observée est à priori une résultante de ces deux type d’effets. Cela nécessite l’estimation de la courbe de demande et de la courbe d’offre de crédits. On dit que le canal de crédit est dominant si l’effet d’offre domine l’effet de demande.
Ces réactions suggèrent que le canal des crédits est très faible en Egypte et l’effet sur les variables réelles n’est pas amplifié suite à la prise en considération du canal des crédits. Dans le cas Egyptien, cela peut s’expliquer par le haut niveau des mauvaises créances et par la fragilité du système financier, et ce malgré tous les efforts fournis par la CBE de développer ses instruments de politique monétaire.
La même méthodologie est appliqué aux cas du Maroc et de la Tunisie. Le Maroc a depuis longtemps adopté un régime de change plutôt fixe où le Dirham est rapporté à un panier de devises et doit être maintenu dans une étroite bande. Sous un tel régime, il n’est pas surprenant que le pass-through du taux de change soit faible. A l’aide du VAR de base augmenté en y introduisant le taux de change effectif nominal cette hypothèse a été bien vérifiée.
De même il n’est pas surprenant que le canal du marché financier (ou des actifs financiers) demeure négligeable compte tenu de la faiblesse des tels titres dans le
patrimoine des ménages et que les entreprises comptent peu sur le financement direct à travers le marché obligataire. Cependant, il est probable que ce canal puisse se développer prochainement. Cependant, la politique monétaire semble bien exercer un effet plus significatif sur les variables réelles qu’en Egypte. Les canaux les plus effectifs au Maroc sont ceux du taux d’intérêt et du crédit mais il n’est pas assez clair lequel est dominant. Le résultat relatif au canal des crédits est conforme au développement relativement plus rapide du système bancaire marocain et à son assainissement relatif.
En Tunisie, la réaction du niveau des prix à la politique monétaire tend à augmenter. Cette réaction est immediate et significative à 5%. On peut aussi soutenir que le canal des crédits est opérationnel en Tunisie. On peut même dire que le canal des crédits est dominant. Rappelons que cela n’est pas en contradiction avec le fonctionnement du canal du taux d’intérêt. Cependant, En Tunisie, le canal du taux de change et le canal du marché financier ne semblent pas opérationnels, ce qui confirme des résultats précédemment obtenus.